par Ramata Soré

Publié dans l’Evènement N°244 du 25 octobre 2012

Il est 21h. La nuit est douce. Le ciel, clairsemé d’étoiles, scintille. Une brise fraiche et légère caresse la peau. Soudain, les murs du Toll Haus, vibrent. Puis silence… les gens se regardent. Leurs yeux brillent. Et encore, un tambour tonne. « Eric !!!! », s’écrit une dame la bouche pleine « le concert a commencé. Il faut vite manger. »

En effet, le délicieux fumet de poissons et poulets frits embaument les lieux. Autour des tables, Africains et Allemands dévissent. Leurs bouches à l’unisson remuent. Elles mâchent les frites de bananes plantains et les galettes de farine de blé. Certaines assiettes sont débordées de riz arrosé a la sauce arachide ou tomate. Le cliquetis des verres annoncent la fin de gorge de vin qui pousse délicatement les différentes bouchées.

Le hall d’accueil du Toll Haus grande de près de 300 mètres carrées est remplie de brouhaha. Les tables étant insuffisantes, d’autres personnes se sont installées, à la belle étoile, dans la cours du Centre culturel.

Au dernier son du tambour, certaines personnes se précipitent à l’intérieur de la salle de spectacle. L’heure du ralliement a sonné. Mais en attendant d’autres personnes continuent à manger.

Sankara, l’idole

« J’ai connu Thomas Sankar avant de savoir où se situait le Burkina Faso » affirme en avalant une cuillerée de riz sauce légumes, Alain Kanga, électrotechnicien en Allemagne. Il affirme que les discours et les actions de Thomas Sankara ont bercé son enfance et pour lui, « c’était normal qu’au Cameroun, on connaisse mieux l’homme Sankara que son pays. »

L’ambiance conviviale du festival ravie Wener Kersting, responsable du Festival « Ein Klang mit Sankara ». Il se souvient encore des débuts timides de son festival. La première activité sur Thomas Sankara en Allemagne, raconte Wener Kersting, a eu lieu il ya 5 ans dans un restaurant. Et c’était autour d’un film. Puis l’idée a germé de faire par la suite un festival. Aujourd’hui, on compte des Africains et des Allemands.

C’est ainsi qu’en cette soirée du 20 octobre 2012, Karlsruhe, ville située a près de trois heures de Bonn, l’ancienne capitale de l’Allemagne, commémore les 25 ans de l’assassinat de Thomas Sankara.

Et si le délicieux repas augmentait l’appétit, il dénouait également les langues et surtout relançait le débat autours des deux tables rondes qui avaient précédemment eu lieu dans la journée.

Mais bien avant les tables rondes, à 16h, près de 200 personnes ont visionné l’un des deux derniers films documentaires produits par l’association allemande Baraka. Avec « Sur les traces de Thomas Sankara, héritages en partage » Heidi Meinzolt, institutrice dit avoir appris et compris le développement selon le point de vue de Thomas Sankara. Avec ses élèves, Heidi depuis 20 ans travaille avec une organisation et cherche à renforcer le jumelage entre l’Allemagne et le Burkina Faso. Pour, la construction d’une école au Faso, elle exclue pour le moment la solution passe-partout de collecte de fonds. Certainement chacun mettrait la main à la patte pour que l’école voie le jour. Si l’engagement individuel est essentiel dans la réalisation des objectifs, pour Sankara, c’est l’un des éléments qui lui a permis de mettre sur pied la révolution de 1984. Et durant trois ans, Sankara en homme intègre a pu défendre le droit de l’humain à s’épanouir, à vivre décemment, à s’exprimer en tant qu’individu affirme Tirmiziou Diallo, ethno-sociologue allemand. Et si les pays occidentaux ont tremblé lors des différents discours de Sankara, pire s’il a été assassiné, comme l’a dit Muedu Muamba, écrivain et journaliste camerounais, c’est parce qu’il « voulait mettre du sens dans les mots car les mots en étaient vides. »

Du bétail et du coton pour payer la dette

En 1984, raconte, Gunher Rusch, actuellement consultant et conférencier allemand « J’ai rencontré Thomas Sankara à l’hôtel indépendance de Ouagadougou actuellement hôtel Azalai. C’était lors de discussion sur le remboursement de la dette du Burkina envers le Ghana. » Fait original, le Burkina Faso voulait payer ses dettes en donnant du bétail et du coton au Ghana.

Pour Gunher Rush, l’action était au centre des propos de Sankara. Il disait ce qu’il pensait, il pensait ce qu’il disait, se l’appliquait et voulait que les autres l’appliquent.

Cela fait dire a Elke Nele, représentante du mouvement altermondialiste, Attac, à Karlsruhe que Sankara était le mari qu’elle aurait voulu, l’homme politique charismatique qu’elle souhaite encore au monde et surtout au continent africain. Pour elle, il y a un parallèle entre la politique de Sankara et celle de Attac. Et concernant la lutte contre l’impérialisme, elle pense qu’il est essentiel de ne pas écouter seulement les grands medias occidentaux qui diffusent d’énormes mensonges surtout qu’en ces temps de graves crises économiques en Occident.

Gunher Rusch pour avoir travaillé en 1986 sur la problématique des ONG avec le président Thomas Sankara affirme que ce dernier voulait orienter ces organisations, souvent des instruments de leur pays, dans la perspective du développement durable « C’était une vision futuriste car à cette époque, cet aspect du développement durable et de l’engagement des ONG n’était encore abordé » affirme Gunher Rusch. Puis d’ajouter, son analyse sur les Ong était progressiste et permettait de démasquer une certaine hypocrisie néocolonialiste de ces structures. Pour Gunher Rusch, Sankara était visionnaire et vraiment au parfum des problèmes du monde.

Sankara, l’époux idéal

Et si Elke Nele affirme que Sankara a travaillé pour son peuple, nombreux sont actuellement les présidents africains qui ne sont pas intéressés à travailler pour leur peuple, et le bien être de celui-ci. A cet effet, l’écrivain Muedu Muamba se souvient qu’une fois en mission en Algérie, durant une rencontre entre John Jerry Rawlings, ancien président du Ghana, l’éminent historien, Joseph Ki zerbo, et lui, le président ghanéen avait affirmé que certains dirigeants africains manquaient de respect et de considérations pour leur peuple. Et d’une part, elle reconnait l’influence des puissances occidentales qui dit elle n’ont pas intérêt a ce que l’Afrique soit épanouit. Pour Amadou Dipama, responsable de l’association dénommée, Forum panafricaniste de Munich en Allemagne, cela s’illustre par l’implication de la France, de l’Angleterre et des pays membres de l’Otan dans les guerres qui sont advenus en Libye, en Cote d’Ivoire et bien d’autres pays.

Par ailleurs, l’artiste musicien burkinabè Samsk Lejah invité vedette de la rencontre de Karlruhe affirme que situer les responsabilités dans le malheur qui arrive au continent africain est une façon de situer les responsabilités de tout un chacun. Puis de souligner que nombreux sont les Occidentaux qui ignorent les actions négatives de leurs gouvernants dans les malheurs qui frappent le continent africain. Connaitre les vrais commanditaires et les victimes permet de réécrire l’histoire.

Cette rencontre de Karlsruhe, « c’était un dialogue africain » affirme Wener Kersting, mais également une rencontre entre deux peuples, africain et occidental qui ont une vision commune : œuvré pour le bonheur de l’humain. Le premier contact de Wener Kersting avec le Burkina Faso remonte en 1985, au temps de la révolution. Il dit avoir été touché par les actions de feu le président Sankara, malheureusement assassiné par Blaise Compaoré en 1987 lors d’un coup d’Etat à Ouagadougou.

Il faut empêcher la dynastie Compaoré

Et si Samsk Lejah se dit ravi de voir le renforcement de la lutte pour la cause Thomas Sankara, il pense que la coordination des différentes luttes permettra de garder allumer la flamme allumée auprès de la jeune génération, la génération consciente. Et au Burkina Faso l’heure est venue à l’action.

21h15mn. Le tambour gronde. Les derniers invités qui trainaient encore dehors se dépêchent de jeter leur assiette en papier dans les poubelles. Depuis, le grand hall du centre culturel, on entend les jubilations provenant de la salle de spectacle. Puis la voix de Samsk Lejah tonne. A la porte d’entrée, les derniers spectateurs se dépêchent d’acheter le ticket de 12 euros soit 7870 f cfa.

Sur la piste de danse, les spectateurs se déchainent. Et lorsque Samsk Lejah, un balai a la main, entonne l’un des ses titres phares, « ce président là » c’est le délire. Sam’k Lejah, alors dénonce l’accaparement du pouvoir et les dynasties que veulent instaurer les Compaoré au Burkina Faso. François Compaoré, petit-frère du président Blaise Compaoré, a annoncé sa candidature a la présidentiel de 2015.

Un coup de balai du chanteur couplé à ce refrain « Ce président-kè, il va partir et il partira » fait exploser la salle. Le monde applaudit. Et Sam’sk Leja espère que le monde applaudira le sursaut du peuple burkinabè à exiger un changement de système politique au Faso. Ainsi, ce président-la, Blaise Compaoré, après 25 ans de règne, partira, bien sûr accompagné de son frère François, conseiller a la présidence.

Ramata Soré

Source : http://www.evenement-bf.net/spip.php?article382

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