Le 21 décembre 2009, le capitaine Thomas Sankara, président révolutionnaire du Burkina Faso aurait soufflé 60 bougies s’il n’avait pas été assassiné en 1987 au cours d’un coup d’état sanglant commis par l’actuel président Blaise Compaoré soutenu activement par la françafrique. Malgré son absence physique, son anniversaire a été joyeusement célébré à Ouagadougou par quelques dizaines de personnes. En effet, du 19 au 21 décembre 2009, le centre national de presse Norbert Zongo (CNP-NZ) a été le théâtre du premier festival « Thomas Sankara Revival ». Organisé par Sams’K Le Jah et quelques compagnons ce festival a montré que le plus illustre président du Faso est encore bien vivant dans l’esprit et dans le cœur de beaucoup de gens au Burkina et ailleurs.

La majorité des festivaliers était constitué de jeunes n’ayant pas connu l’époque de la révolution. Cette jeunesse est pourtant fière de l’héritage de Thomas Sankara, qui est devenu un emblème de l’émancipation africaine, souvent comparé à Che Guevara.

Le festival s’est ouvert par quelques discours assez informels devant une exposition de photos du capitaine. Le micro étant ouvert à toute personne souhaitant s’exprimer, quelques témoignages de personnes ayant côtoyé le capitaine Sankara ont relaté des histoires que les photos leur rappelaient.

En écho à la volonté, chère à Sankara, de produire et de consommer burkinabé et africain, les produits locaux furent à l’honneur sur le site du festival : Des « faso dan fani », des plats et des boissons locales, etc.

Cette commémoration a permit de vérifier, s’il en était encore besoin, de l’actualité du combat qu’avait engagé Thomas Sankara au Burkina Faso dans différents domaines, et en particulier l’environnement qui a fait l’objet d’un débat passionnant. Aujourd’hui le sujet est l’objet des plus grandes rencontres internationales (le sommet de Copenhague s’étant chevé une semaine avant le festival). D’après Fidèle Kientenga (ministre des ONGs sous la révolution), la protection de l’environnement constituait un des axes majeurs de la politique du gouvernement révolutionnaire : plantations d’arbres à toutes occasions, promotion des foyers améliorés, les 3 luttes contre la désertification, etc.

Cette politique écologiquement responsable était avant-gardiste, de même que les actions de la révolution burkinabé en matière d’accès à l’éducation ou d’émancipation des femmes. Les résultats obtenus en 4 ans sur ces différents sujets n’ont rien à envier aux ambitieux projets de développement menés par la communauté internationale depuis lors. Le débat mené lors du festival a également permit de découvrir des initiatives indépendantes dans ces secteurs, qui semblent inspirées par le même esprit de développement et d’apprentissage des populations à la base… une preuve que les idées de Sankara vivent encore, et qu’il faut continuer à mener des actions dans cet esprit malgré l’absence de soutien des pouvoirs officiels.

Suite aux projections de documentaires, des discussions ont abordé un grand nombre de questions sur la révolution, sur Sankara et sur son entourage. Ceux du public qui avaient côtoyé le capitaine, ou avaient simplement participé aux chantiers de la révolution ont pu témoigner pour les jeunes, avides de mieux connaitre l’homme qu’ils admirent et son œuvre qui leur semble exemplaire sous bien des aspects. Les souvenirs ont ressurgi, d’une période où même si tout n’était pas rose et que des erreurs ont été commises, la majorité des burkinabés étaient fiers de leur pays. Une période qui fait rêver les jeunes d’aujourd’hui qui ont vécu presque toute leur vie sous la présidence de Blaise Compaoré et qui ne voient aucune amélioration à la situation du pays malgré d’incessants discours sur le développement et la démocratie. Les burkinabés sont souvent nostalgiques du président qui était proche du peuple et imposait la modestie dans les dépenses d’état, attitude en contraste avec celui qui se fait construire un palais à Ouaga 2000 où il s’occupe des crises des autres pays, qui achète trois échangeurs routiers inutiles pour Ouagadougou, et qui dépense des milliards pour célébrer l’indépendance alors que des milliers de sinistrés des inondations de septembre attendent toujours d’être relogés.


On reconnait Zalem, Sams’K Le Jah et Smockey

Le 20 décembre au soir, une soirée festive était organisée, introduite par un concours de discours qui récompensait d’une biographie de Sankara le candidat récitant le mieux un discours du capitaine président. Les artistes Zalem, Smockey et SamsK LeJah ont ensuite donné un concert live dans une ambiance très conviviale!

Le dernier jour a été l’occasion, après la projection du documentaire « Sankara l’homme intègre », d’aborder des questions assez personnelles sur la vie du capitaine en présence de membres de sa famille. Des témoignages émouvants nous permettant d’apprécier la simplicité de l’homme et sa proximité avec les gens du peuple.

En revanche, le pouvoir de Blaise Compaore assume difficilement l’héritage de Sankara. Durant les années suivant le coup d’état du 15 octobre 1987 et la « rectification », tout a été fait pour qu’on oublie le capitaine et pour salir sa mémoire: on a cherché (en vain) des preuves de détournements, on lui a fait endosser toutes les erreurs de la révolution (alors qu’un grand nombre d’entre elles étaient de la responsabilité des soi-disant rectificateurs), de nombreuses personnes ont été assassinées, ou menacées, instaurant un climat de peur autour de tous ce qui rappelait le défunt président. Blandine Sankara, la petite sœur de Thomas a pu témoigner du rejet et des humiliations subies par la famille dans les années suivant le coup d’état.

Malgré cela, les gens ne l’ont pas oublié. Depuis l’an 2000, le pouvoir a décidé de « réhabiliter » le président Sankara, en attribuant entre autre son nom à une avenue de Ouagadougou. Cependant, des témoignages ont attesté qu’aujourd’hui encore, porter un tee-shirt à son image suscite des réactions hostiles dans les rues de Ouagadougou. Cela dérange sans doute les consciences, car la réhabilitation proclamée n’a pas été accompagnée de la recherche de la vérité et de la justice dans l’assassinat du chef de l’état, de même que pour de nombreux crimes impunis comme celui du journaliste Norbert Zongo en 1998.

Mais plus le temps passe, plus le souvenir de Sankara et la reconnaissance de son œuvre s’accroit de par le monde. De plus, le temps des témoignages semble être venu, car les personnes l’ayant côtoyé ont aujourd’hui plus de 60 ans pour la plupart, et ne sont plus aussi vulnérables aux pressions qu’auparavant. Les langues se délient donc et se délieront encore si des espaces d’expression tels que ce festival ou la caravane Tom Sank en 2007 leurs sont ouverts.

Thomas Sankara citait parfois Jean Giono en disant “Je suis seulement l’ouvreur de fenêtres, le vent entrera après tout seul. ” Ce festival a donc été un courant d’air frais, revigorant, porteur d’espoir, ressuscitant l’esprit intègre qu’il avait voulu inculquer au peuple burkinabé. Souhaitons que le festival « Sankara revival » puisse se répéter afin que vive la mémoire du capitaine et tout l’espoir qui l’accompagne. D’aucuns diront que nous rêvons, sans doute, mais pour reprendre les propos de Blandine, la petite sœur de Thomas : « il est important de continuer à rêver » !!!

Noël Surgé

On trouvera aussi un compte rendu du Festival réalisé par le journaliste Merneptah Noufou Zougmoré pour le journal l’Evènement à l’adresse http://www.evenement-bf.net/

On trouvera d’autres photos de SANKARA REVIVAL à l’adresse http://www.dakar2011.org/spip.php?article28

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