Nous vous proposons ci-dessous deux articles tirés de la presse burkinabé qui revient sur le terrible accident de Garango de mai 1986. Cet accident qui a fait plus d’une dizaine de victimes, fauchées par des avions lors d’un déplacement de Thomas Sankara, Blaise Comparé et Jean Baptiste Lingani dans cette petite ville. 23 ans près les victimes demandaient toujours réparation. Depuis la parution de cet article, elles ont obtenu réparation voir l’article à l’adresse http://thomassankara.net/?p=758 La rédaction
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Accident d’avion de Garango : 23 ans après …
Les victimes et ayants droit de l’accident de l’affaire dite de « l’accident de l’avion présidentiel » qui a eu lieu le 29 mai 1986 à Garango, dans la province du Boulgou, se sont retrouvés hier lundi 30 mars 2009 à l’Espace culturel Gambidi. Cette rencontre fait suite à une fin de non-recevoir de la mairie de Ouagadougou à leur demande d’autorisation de marche sur la Présidence pour remettre une lettre au chef de l’Etat.
Foi de leur conseiller juridique, Zacharie Sorgho, le dossier portant indemnisation des victimes n’a pas évolué d’un iota. Avec la vive émotion qui transpire du témoignage de Paulin S. Keré quand il parle de ce qui lui est arrivé le 29 mai 1986 à Garango, l’on se convainc qu’il garde encore, 22 ans après, un souvenir vivace de cette journée. A cette époque, la Révolution battait son plein, et notre interlocuteur était agent d’agriculture dans ce chef-lieu de département.
Ce jour-là, lorsqu’il se rendait à l’aérodrome, loin de lui l’idée qu’il allait quitter ces lieux pour recevoir des soins dans un centre de santé avec, à la clé, une fracture au pied et un traumatisme à vie. Jeune fonctionnaire, il était parti avec ses collègues assister au départ du président de l’époque, Thomas Sankara, venu assister au « doua » (cérémonie musulmane) organisé suite au décès du papa d’un autre grand acteur de la Révolution, le commandant Boukary Jean-Baptiste Lingani, ministre de la Défense en son temps.
Aujourd’hui, la victime déroule la trame du drame qu’il a vécu avec moult détails comme si c’était hier : deux avions devaient décoller. Mais beaucoup ignoraient qu’ils se suivraient de très près.
Quand le premier (celui dans lequel se trouvait Thomas Sankara) a quitté le sol, un enfant s’est mis en tête de traverser la piste en courant. Un policier a tenté de l’en empêcher, ignorant que l’autre avion, dans lequel avait pris place Blaise Compaoré, arrivait. Le pauvre homme de sécurité a été le premier à être fauché par l’oiseau de fer, qui a raté son décollage, et a, alors, poursuivi sa chevauchée meurtrière dans la foule. Notre interlocuteur, la gorge nouée, se souvient : « Pendant que les spectateurs regardaient le premier avion fendre les airs, le second, qui était resté au sol, ne faisait que tuer…tuer…tuer… J’ai reçu un violent choc qui m’a fracturé la jambe. Alors que je tentais de me relever, je me suis rendu compte que l’appareil était au-dessus de moi. En fait, il s’était bloqué juste à mon niveau ». S’en sont suivi des mois de psychose pour cet infortuné agent d’agriculture, qui a pourtant eu plus de chance que les autres victimes. « N’empêche, pendant six mois, je ne supportais pas d’entendre le bruit d’un véhicule. Je pensais aussitôt que c’était un avion qui venait sur moi. J’ai été traité à l’indigénat et les gens se demandaient si j’allais un jour recouvrer mes esprits ».
« Le gouverneur veut que l’argent passe par lui »
Des témoignages du genre, on pouvait en recueillir à la pelle pendant et après le point de presse fait hier à l’Espace Gambidi. En ces lieux, se sont retrouvés les victimes et les ayants droit de ce drame qui a fait 22 morts, des handicapés physiques et des malades mentaux. Fâcheuse coïncidence, juste au début de la rencontre, un hélicoptère a survolé la zone dans le lourd vrombissement de son moteur et de ses pales. Face aux rescapés, leur conseiller juridique, Zacharie Sorgho, agent d’affaires judiciaires, défenseur près les Cours et Tribunaux du Burkina Faso qui a insisté sur le fait qu’aucune indemnisation n’a été versée aux victimes jusque-là et ce, malgré l’engagement pris publiquement par les autorités et les différentes démarches entreprises.
Et le summum de la déception a été pour ses clients le refus par la mairie de Ouagadougou de leur permettre d’organiser une marche le 30 mars 2009, à destination de la Présidence, pour remettre au chef de l’Etat ou à son représentant une lettre faisant état de leurs doléances. Pire, a affirmé la main sur le cœur cet agent d’affaires judiciaires, les blessés et les ayants droit ont été royalement ignorés voire même écartés de la Journée nationale de pardon. Pendant la rencontre avec les journalistes, le porte-parole des plaignants semblait surtout en vouloir à l’actuel gouverneur de la région du Centre-Est : « On nous rétorque toujours que l’affaire suit son cours, mais pas plus. Ce qui nous préoccupe plus, ce n’est cependant pas tant la lenteur du dossier que l’implication du gouverneur de la région du Centre-Est dans le dossier.
Dans son acharnement à vouloir liquider ce dossier, il manipule et tente de créer la zizanie entre les ayants droit. Certainement qu’il veut que l’argent passe par lui. Bien qu’il ait été démasqué et dénoncé par les ayants droit, notre gouverneur continue de mettre son nez dans l’affaire, qui est en transaction entre le ministère des Finances et la Direction des affaires contentieuses et du recouvrement (DACR) ».
Issa K. Barry
Source : L’Observateur Paalga mardi 31 mars 2009 http://www.lobservateur.bf/spip.php?article10935
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Accident de l’avion présidentielles à Garango Les victimes interdites de marcher à Ouaga
Les victimes et ayants droit de l’accident de l’avion présidentiel survenu le 29 mai 1986 à Garango avaient prévu une marche sur la présidence du Faso le 30 mars 2009, en vue de faire aboutir leur dossier d’indemnisation qui traîne depuis près de 23 ans. Face au refus de la mairie d’autoriser la marche, celle-ci a été transformée en une conférence de presse animée par la défense des victimes, Me Zacharie Sorgho, qui accuse le gouverneur du Centre-Est de mettre le pied sur le dossier qui, d’après lui, ne souffre pourtant d’aucune ambiguïté.
Face à la presse, Me Zacharie Sorgho était entouré de 4 victimes et ayants droit de l’accident de l’avion présidentiel survenu le 29 mai 1986 à Garango. La salle Lompolo Koné du Centre culturel Gambidi où s’est tenue la rencontre était également prise d’assaut par des dizaines de victimes directes (sourds-muets, manchots et autres personnes handicapées), de même que des ayants droit de personnes décédées (veuves, orphelins, etc.) suite au fameux accident d’avion de 1986. Devant l’avocat était déposée une pile de copies de documents parmi lesquels des "lettres de relance" adressées les unes au président du Faso, les autres au ministre des Finances, au gouverneur du Centre-Est, au médiateur du Faso, etc., mais "toutes classées sans suite", selon Me Sorgho.
L’affaire n’est pas encore en justice, indique le conseil qui dit avoir choisi la voie de l’arrangement à l’amiable. "Mais depuis de longues années, le dossier traîne et rien ne bouge bien que nous ayons multiplié les démarches et les concertations", a déclaré le défenseur des victimes et ayants droit de l’accident. Pour se faire entendre pour la énième fois, les victimes et ayants droit avaient tenu à marcher, dans la foulée de la journée nationale du Pardon dans le but de remettre un message au président Blaise Compaoré. Mais la mairie de Ouagadougou, dans une lettre signée du secrétaire général, Yérépobé Victorien Bonou, n’a pas donné de suite favorable à la demande d’autorisation de marcher. En lieu et place de cette marche qui se voulait pourtant pacifique, selon l’avocat, les victimes et ayants droit ont décidé de se confier à la presse afin que l’opinion nationale et internationale soit informée du fait que le dossier est toujours à la case départ.
Me Sorgho accuse le gouverneur de la région du Centre-Est de vouloir indûment s’emparer du dossier, par des "manoeuvres dilatoires". Pour lui, le gouverneur tient à ce que les frais d’indemnisation passent par lui. "Il m’a contourné pour envoyer une lettre confidentielle aux victimes, leur demandant de faire des propositions de montant pour leur indemnisation. Pourtant, le dossier est entre moi et la direction des affaires contentieuses et du recouvrement (DACR)", a-t-il déclaré. En clair, l’affaire suit son cours normal. Mais ce qui préoccupe le plus les victimes et leur conseil, c’est d’une part la lenteur du dossier et d’autre part, l’implication du gouverneur de la région du Centre-Est.
Que s’est-il passé le 29 mai 1986 à Garango ?
Ce jour-là, le président du Conseil national de la Révolution, Thomas Sankara a atterri à Garango pour une cérémonie. Il est accompagné par d’autres membres du CNR dont Blaise Compaoré et Jean-Baptiste Lingani. Au décollage, comme ce fut le cas à l’atterrissage, une marée humaine en liesse envahit l’aérogare de Garango. Le premier avion, celui du capitaine Thomas Sankara prend l’élan et décolle. Il est immédiatement suivi par celui du capitaine Blaise Compaoré qui échoue malheureusement son envol. Un policier qui tentait d’écarter de la piste un enfant de CE2 est fauché par l’oiseau de fer en perte d’équilibre. Plusieurs autres personnes au sol sont atteintes : 22 morts sur-le-champ et quelques dizaines de blessés graves dont certains ont été évacués en Libye et en Algérie pour des soins. Le CNR se réunit quelque temps après et décide de dédommager toutes les victimes. Ça fait donc bientôt 23 ans que ces victimes qui vivent dans une extrême pauvreté, attendent que cette promesse soit tenue.
Par Paul-Miki ROAMBA
Source : Le Pays du Le Pays du lundi 30 mars 2009 http://www.lepays.bf/spip.php?article1425