Burkina : Mettre le crime hors-la-loi

Dominique Lacroix

On peut disserter longuement sur l’intérêt collectif, les avantages et faiblesses de la démocratie, les voies de développement économique, les différences culturelles, la raison d’État etc.

Et ces débats sont non seulement tolérables mais souhaitables, voire indispensables !

MAIS tuer est un crime.

Un coup d’État N’EST PAS un crime en soi. S’il est suffisamment inspiré par l’intérêt général pour ne pas entraîner de soulèvement populaire, encore mieux s’il est salué comme un soulagement ou la seule issue à une situation politique bloquée.

S’il se réclame de principes sensés et de revendications légitimes. Et si le pouvoir qui en résulte n’est pas confisqué par des intérêts privés.

Nombre de coups d’État se font sans verser de sang. Et l’histoire de la Haute-Volta en est un exemple dont les Burkinabè ont été fiers, il fut un temps.

Mais un assassinat EST un crime. En tant que tel, au Burkina Faso, nom qui signifie « pays des hommes intègres » :

— Le pouvoir doit à la communauté une véritable enquête pour faire la vérité sur ce qui s’est passé le 15 octobre 1987.

— Les coupables doivent des explications aux proches des victimes, voire des “réparations” autant que faire se peut. Et la réparation, en matière de deuil, ne peut se liquider en argent. Certains mots sont indispensables.

— La communauté internationale ne doit pas reconnaître un pouvoir issu d’un crime qui n’aurait pas de justifications d’intérêt général clairement exprimées ou de circonstances atténuantes établies.

Bref : un crime d’État doit être jugé, même lorsqu’il s’agit de juger des “titulaires” de la représentation nationale.

L’engagement de CawAilleurs au sujet du Burkina Faso ne vise pas à mettre en cause le régime actuel, dont certains efforts nous paraissent dignes d’être salués. Il souhaite seulement demander à Blaise Compaoré et à son entourage d’aider la communauté internationale à faire un immense progrès vers la paix et le droit des peuples.

Nous savons que l’affaire de l’assassinat de Thomas Sankara et de ses collaborateurs n’est pas simple. IL FAUT assumer cette complexité. Il faut DIRE ce qui est juste. Et FAIRE ce qui en résulte.

Il en résulte en particulier qu’il FAUT que la police protège au moins aussi efficacement les supporters de Thomas Sankara que ceux de l’actuel président.

Blaise Compaoré, vous ancien ministre de la Justice de Thomas, vous son frère de lait, vous qu’il s’apprêtait à nommer Premier ministre, vous qui aviez le visage décomposé au lendemain de son assassinat, vous avez UNE chance extraordinaire d’alléger un peu votre conscience et de laver votre image pour la postérité, en ce 20e anniversaire que vous vous disputez avec Thomas, comme dans une rivalité fratricide par delà la mort :

— exigez de la justice de votre pays que toute la lumière soit faite sur ce tragique moment du 15 octobre 1987. Et participez-y par votre témoignage, voire vos aveux…

— protégez les nombreux supporters de Thomas : ils étaient lycéens ou étudiants lorsqu’il est mort. Ils l’adoraient. Vous avez dû cerner les lycées de troupes au lendemain de votre accession au pouvoir pour empêcher les jeunes de se révolter. Puis quadriller le cimetière lorsque son corps, sommairement enseveli dans les jardins de la Présidence, a été transféré en un lieu plus digne et que des milliers de personnes sont venues s’y recueillir.

Ces lycéens et étudiants sont maintenant des hommes mûrs. Vous leur devez cela. Pour qu’ils croient de nouveau en la justice et ne deviennent ni désespérés ni corrompus.

Pas pour qu’ils deviennent vos supporters. Mais pour qu’ils croient en la justice et par conséquent vous respectent.

Vous leur devez cela aussi parce que votre minuscule pays — pauvre, inhospitalier et enclavé au sein d’un continent damné alors que nous en sommes tous issus — votre pays a acquis une dignité extraordinaire dans l’ordre international par son inscription fréquente dans la mouvance non-alignée. Et aujourd’hui en particulier, parce que des millions de Birmans, tout aussi pauvres — bien qu’ayant la chance d’être nés sur un sol plus riche — qui sont eux aussi héritiers de cette mouvance non-alignée forgée par des Gandhi et des N’Krumah, ces millions de Birmans ont besoin de vous. Ils souffrent sous le joug d’une dictature militaire à laquelle, j’en suis sure, vous ne souhaitez pas être assimilé.

Refusez leurs crimes ! Et donc refusez le vôtre, ou du moins celui qu’on vous attribue !

Même si cela devait vous coûter le pouvoir, à vous personnellement, vous SAVEZ, maintenant que vous avez progressé de 20 ans vers la mort, que ce “sacrifice” serait en fait un immense don aux Burkinabè, à l’humanité entière et à votre mémoire personnelle.

 

Dominique Lacroix

 

Source : http://www.adminet.ca

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