Commémoration du 15 octobre : La bataille des héritiers va commencer

 

 

Le 15 octobre 2007 est une date qui évoque deux événements qui se sont déroulés simultanément. Il y a la 20e année de l’assassinat du président du Conseil national de la révolution (CNR), le capitaine Thomas Sankara et celle de l’accession au pouvoir du président du Faso, Blaise Compaoré. Les partisans de ceux qui étaient considérés comme des frères vont commémorer à leur manière ces anniversaires.

Pendant que les Sankaristes commémoreront la disparition de Thomas Sankara comme ils en ont l’habitude, le fan club du président du Faso, Blaise Compaoré se souvenant au moins cette année que leur idole a pris le pouvoir un certains 15 octobre 1987 entend le fêter.

Dans le programme des Sankaristes, la célébration du 20e anniversaire connaîtra la participation de délégués provenant de pays africains, européens et américains, etc. A l’occasion, il se tiendra un symposium international sur la pensée et l’action du président Thomas Sankara avec pour objectif général la formulation et la promotion de l’idéal du président assassiné. Des débats, des panels et des travaux en commissions sont prévus lors du symposium et permettront aux participants d’échanger et partager leurs expériences.

Du côté des sympathisants du président du Faso, Blaise Compaoré, comme si les Burkinabé ont des troubles de mémoire pour apprécier ses 20 ans de pouvoir, les Tanties de Blaise Compaoré (TBC) envisagent d’en faire un bilan à travers un atelier ayant pour thème : « Contribution de notre fils pour la consolidation de la paix au Burkina Faso et dans la sous-région ouest africaine » avec une participation de pays voisins du Burkina Faso. Elles seront accompagnées certainement par les Amis de Blaise Compaoré (ABC), l’Association des jeunes pour la construction avec Blaise Compaoré (AJCBC), l’Association 2000 pour le progrès.

Le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), parti au pouvoir ne va pas se laisser compter l’événement. Il va organiser un colloque international sur le thème : « Démocratie et développement en Afrique ». Une occasion selon le CDP de donner l’opportunité aux acteurs politiques africains et internationals d’identifier les voies susceptibles de contribuer de façon novatrice et efficace à la consolidation de la démocratie pour un développement durable sur le continent noir.

 

Les enjeux du 20e anniversaire

Les partisans de Blaise Compaoré auront à se pencher sur les acquis durant le pouvoir de celui-ci. On peut citer le retour au multipartisme et au pluralisme au Burkina Faso après plusieurs régimes d’exception, son rôle de facilitateur dans les conflits qui ravagent la sous région notamment en Côte d’ivoire, au Togo.

Or, pour les Sankaristes, il s’agit de se pencher sur une vision politique qui pourrait être rangée parmi les plus célèbres du continent et même au-delà. Si cette vision est dégagée de façon cohérente, elle devrait aboutir à une union des partis politiques dits sankaristes. Toute chose qui pourrait faire de l’ombrage à la personnalité et au parti de celui par qui le CNR a pris fin. Les deux commémorations apparaissent donc comme une bataille. Après le dénouement sanglant de 1987, on va assister à l’affrontement des héritiers sur le terrain de la communication en 2007.

Tout se passe comme s’il y a des forces qui sont opposées à ce que la mémoire de personnalités qui ont marqué l’histoire du Burkina Faso soit évoquée. De celles-ci, il y a Thomas Sankara. Si les mouvements et associations qui tournent autour de Blaise Compaoré et sont parrainés par ses proches ont été mis en branle après leur mission réussie aux élections présidentielles de 2005, c’est que le souvenir des évènements du 15 octobre 1987 se vit douloureusement. Alors il faut faire tout pour éviter qu’on parle du président du CNR même s’il faut utiliser les menaces. Les artistes musiciens, ces griots des temps modernes, n’échapperont pas à ces moyens de dissuasion dès que Sankara est évoqué dans leurs chansons.

On se rappelle de l’artiste Smokey qui a dû remanier à la dernière minute son album dont un des titres évoquait les évènements du 15 octobre 1987. Sam’k le Jah, lui, a reçu plusieurs menaces d’un certain fire Faso. Qu’est-ce qui motive ce refus de mémoire ? On pourrait dire que ceux qui sont contre le devoir de mémoire sont conscients qu’en quatre ans de règne, Thomas Sankara a marqué d’une tâche indélébile le Burkina Faso et au delà de ses frontières. Il fait partie des dignes fils du continent noir de la trempe de Patrice Lumumba, Kwamé N’Krumah dont l’évocation des noms force respect et admiration.

Les commanditaires des menaces sont conscients aussi qu’en 20 ans, ils n’ont pas pu faire ce que Thomas Sankara a fait en quatre ans. Pour cela, il faut empêcher que surtout les jeunes générations ne puissent savoir exactement qui était le président du CNR et par la suite pourquoi pas procéder à un révisionnisme dont l’objectif sera de présenter Thomas Sankara comme un président peu soucieux des droits humains, un dictateur et tous défauts qui ne sauraient favoriser l’épanouissement du peuple burkinabé.

L’affrontement de deux modèles de gestion du pouvoir Dans la gouvernance du pays, s’il y a une erreur commune à Thomas Sankara et aux rectificateurs du 15 octobre 1987, c’est bien les crimes de sang. Mais là il faudra chercher à savoir si tout a été fait avec l’accord du président du CNR.

Quant au reste, c’est la nuit et le jour dans la gestion du pouvoir chez les ex-camarades. Sous l’ère Sankara, la gestion des ressources rimait avec austérité. Les voitures de fonction des ministres étaient des Peugeot 205. On raconte que Sankara de passage dans sa famille a été incapable de résoudre un problème urgent qui nécessitait une somme de 20 000FCFA.

Par contre, sous l’ère Compaoré, la gabegie des maigres ressources de l’Etat semble être une règle d’or. Des enfants de hautes personnalités volent des millions chez leurs parents et ne trouvent bon à faire que d’aller les dépenser dans les boîtes de nuit.

Ouagadougou se développe à deux vitesses. Les riches se construisent des châteaux à Ouaga 2000 pendant que la grande masse des Burkinabé vit dans des conditions de vie précaires et crie leur ras-le-bol à travers des marches et meetings. La corruption, l’impunité, les fraudes dans les domaines économique et scolaire sont des réalités qu’on ne saurait nier d’aujourd’hui. Ce qui fait que des personnes sont nostalgiques de la Révolution du 4 août.

Parler des faits et gestes de Thomas Sankara, c’est faire cas implicitement des travers de la 4e République, ce que ses ardents défenseurs ne veulent absolument pas car Blaise Compaoré est le « pétrole du Burkina », il est « un don de Dieu ».

 

J.P Bamogo

 

Source Bendré 26 août 2007 http://www.journalbendre.net/spip.php?article1857  

 

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