L’hommage que l’on devrait rendre à nos héros

Par Segnou Siéwé

Le 15 octobre dernier, le Burkina Faso en particulier et l’Afrique en général, célébraient le 21ème anniversaire du décès de Thomas Sankara, l’un des plus grands héros africains de la lutte contre l’impérialisme occidental. Comme chaque cette occasion, de nombreuses manifestations sont organisées dans les villes du Burkina faso pour rendre hommage au leader de la révolution voltaïque, mort pour la liberté de son pays. Ces manifestations d’hommage, il faut le dire, ont souvent des succès inattendu. Car on à ces moments, se rend compte à quel point Thomas Sankara demeure toujours vivant et jusqu’où il demeure ancré dans les mémoires non seulement des Burkinabés, mais aussi des Africains et de tous ceux qui soutiennent les combattants pour la liberté de par le monde.

Bref, Sankara a droit chaque année à un hommage mérité dans son pays. Mais une seule question s’impose maintenant : est-ce là le type d’hommage que l’on doit rendre à ce martyr ? L’hommage à Sankara devrait-il se réduire à de simples manifestations visant uniquement à se souvenir de ce qu’il a fait et pensait faire pour son Pays ? En d’autres termes, le grand hommage que l’on puisse rendre à un héros mort sur le champ de bataille sans avoir réalisé sa mission ne consiste-t-il qu’à se souvenir de son courage et de sa bravoure ?

Nous répondrons par la négation ! Car l’hommage qui ne consiste qu’à se souvenir de la grandeur d’un homme ne sert à rien, ou du moins, ne sert pas l’idéologie pour laquelle cet homme a donné sa vie. De tels hommages ne peuvent qu’être relégués au rand de folklore inutile dans le fond pour honorer la mémoire du grand Sankara.

En effet, Sankara avait vision politique pour son pays. Le but de cette vision politique était de conquérir une fois pour toute l’émancipation totale de son pays en mettant définitivement fin à l’impérialisme occidental qui n’a pas cessé d’aliéné, de spolier et de détruire le Burkina Faso et le continent africain dans son entièreté. D’ailleurs, il le disait lui-même en ces termes : ” Nous devons accepter de vivre africains. Car c’est la seule façon de vivre libres et de vivre dignes.” Il ajoutait aussi : “Notre objectif, c’est la défense des intérêts du peuple voltaïque, la réalisation de ses profondes aspirations à la liberté, à l’indépendance véritable et au progrès économique et social …”. Quel projet légitime ! Mais malheureusement, il a été sauvagement assassiné par son plus proche collaborateur en qui il avait mis toute sa confiance. C’est ainsi que son ambition politique s’est brutalement arrêtée. Et il n’a donc pas atteint son but.

Cela dit, rendre un vrai hommage à ce héros, serait de poursuivre sa lutte jusqu’à ce que se réalise cette ambition. Car jusqu’à nos jours, cette ambition révolutionnaire ne s’est pas encore réalisée. Le Burkina Faso en particulier et les Etats africains en général demeurent sous le joug de l’impérialisme occidental. Les indépendances n’existent que sur du papier. Toutes nos grandes décisions nous sont encore imposées de l’extérieur. Les richesses de notre sol et de notre sous-sol ne nous profitent toujours pas. L’aliénation politique, économique et culturelle continuent de détruire notre continent et de faire de nous des gens incapables de prendre en mains leur destin.

Or ce sont de telles injustices que Sankara voulait combattre pour redonner à son pays sa dignité. Tout comme lui, beaucoup d’autres héros africains ont mené ce combat. Au Cameroun, il y a eu Um Nyobé, au Congo ex-Zaïre, il y a eu Lumumba, pour ne citer que ceux-là. Et ils ont tous été tués sans pouvoir voir leur rêve se réaliser. Leurs rendre donc un vibrant hommage c’est réaliser leurs rêves en poursuivant leur lutte, et non se lancer dans des manifestations qui ne visent qu’à dire : “c’etait un grand héros ! il a fait ceci, il a fait cela, il voulait faire ceci, il voulait faire cela …” Tout ça ne sert à rien ! Car si ce héros que nous célébrons aujourd’hui revenait, il verra que des décennies après sa mort, personne n’a eu le courage de le réincarner et de continuer la lutte qu’il a initiée, jusqu’à la victoire finale. Voyant donc que nous ne sommes là que pour chanter son nom et réciter sa doctrine sans pouvoir achever le combat pour lequel il est mort, il sera très en colère et regrettera d’avoir donné sa vie.

En fait, lorsqu’un peuple subit des injustices, il ne se revolte pas très souvent à cause de la peur. Mais lorsque ces injustices atteignent un stade insupportable, un individu se lève parmi ce peuple et décide de dire “non !”. Il sensibilise ses compatriotes et les pousse à lutter tous ensemble pour se libérer de l’oppression dont ils sont victimes. S’il mène la lutte jusqu’à la victoire finale, il est un héros victorieux. Mais s’il est tué pendant la lutte, c’est-à-dire avant la victoire finale, il est un héros perdant. Et le devoir de ceux qui restent après sa mort c’est de continuer la lutte jusqu’à son terme. Si ces compatriotes ne poursuivent pas la lutte après lui, ceux-ci doivent être considérés comme des traîtres et des lâches vis-à-vis du leader. Car pendant que le peuple souffrait, lui seul a eu le courage de dénoncer et de lutter pour ses compatriotes. Et c’est pour ça qu’il a été tué. Il n’est donc pas normal que ceux pour qui il a donné sa vie ne continuent pas la lutte.

Cela dit, Sankara, Um Nyobé, Lumumba et les autres font partie des héros perdants. C’est-à-dire ces héros qui ont des ambitions révolutionnaires et justes pour leur pays, mais qui meurent sur le champ de bataille sans les réaliser ; contrairement à ceux qui réalisent leurs ambitions de leur vivant comme Mandela, Gandhi, Mao Tsé Toung, etc. Et nous africains d’aujourd’hui, sommes tous des traîtres et des lâches. Nous sommes incapables de dire “non !” comme ces héros qui ont choisi de lutter pour une Afrique libre et digne plutôt que d’accepter la soumission, l’aliénation et la domination. Autrement dit, nous sommes incapables de réaliser les grands idéaux pour lesquels nos héros ont payé de leur vie. Nous savons seulement claironner leurs noms à tout bout de chemin et parfois faire de l’imposture en disant être des fidèles et des défenseurs de leurs idéaux.

Ce message s’adresse aussi à ces upécistes qui se disent être des partisans et des fidèles de Um Nyobé et de ses camarades. Ils doivent savoir que l’Upc est un parti révolutionnaire, et que Um Nyobé, son principal leader, etait un très grand combattant pour l’indépendance du Cameroun. Et donc, quiconque prétend être le partisan de ce héros doit être un combattant et non un perroquet qui récite sans cesse sa doctrine. Il doit poursuivre la lutte pour que, l’indépendance réelle du Cameroun, pour lequel Um Nyobé menait une lutte acharnée, et qui lui a coûté sa vie, soit en fin une réalité. Et pour qu’enfin, ce grand héros repose en paix.

Ce que nous disons ici s’est observé et s’observe sous d’autres cieux. Nous voyons comment le peuple palestinien lutte depuis des décennies pour la libération de ses territoires. Quand un leader charismatique de la lutte est tué, il a immédiatement un successeur qui le remplace et qui poursuit la lutte.

Donc en définitive, rendre hommage à un héros perdant comme Sankara, c’est non seulement vénérer sa bravoure et son courage, mais aussi et surtout tirer les leçons de son échec pour pouvoir mieux continuer le combat jusqu’à la matérialisation les projets pour lesquels il a été tué. Il ne sert donc à rien de crier : “Sankara, Lumumba, Um Nyobé, … étaient ceci …, ils ont fait cela …” Il faut plutôt trouver de nouveaux Sankara, Um Nyobe, Lumumba, … qui devront enfin réaliser cet idéal pour lequel l’Afrique se bat depuis des siècles et pour lequel beaucoup de ses enfants ont perdu leurs vies, c’est-à-dire : La Liberté. C’est là la seule façon de rendre un vrai hommage à nos héros morts sur champs de bataille, pour qu’ils ne regrettent pas d’avoir donner leurs vies pour rien.

Segnou siéwé   (3 décembre 2008)

Source : http://segnou.over-blog.com

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