PÔ Toujours acquis à la cause de Sankara

Pô a reçu Blaise Compaoré le 18 octobre dernier. Il y avait à l’affiche, un concert géant pour battre le rappel des jeunes. Des témoins apprécient différemment la fameuse "renaissance démocratique". Pour les uns, c’est une escroquerie intellectuelle que de parler d’une "renaissance démocratique", pour les autres, c’est ainsi, mais tous, unanimement, saluent la mémoire de Thomas Sankara, qui fut pour eux un éclaireur.

Le 18 octobre dernier Pô, l’ex-foyer incandescent de la révolution, a accueilli des centaines de jeunes venus de différentes contrées du Burkina. Ils étaient dans cette ville frontalière de la région du  Centre- Sud pour rencontrer Blaise Compaoré, qui fut jadis rebelle dans cette agglomération pour contrer Gabriel Yorian Somé et ses acolytes. A l’occasion, la cité des Kassena s’est parée de ses plus beaux atours. Sur le seul goudron de la localité, il régnait une ambiance particulière. Des jeunes, des femmes ont fait une haie pour attendre l’hôte de marque, le président du Faso. Sur des arbres étaient collés des affiches des "20 ans de renaissance démocratique." Mais malgré tout, certains se demandaient à quelle occasion il revenait dans son ancien bled. Car ils ne savaient pas à quelle fin était destinée la manifestation. On sait que l’enfant terrible de Ziniaré fut dans les années 80 commandant des troupes d’élites de Pô. Des témoins occulaires en ont parlé avec emphase, ils évoquent également la résistance du 17 mai 1983, soutenue par la population de la capitale Kassena. Ces témoins, jeunes engagés de l’époque, se souviennent comme hier de cet acte de bravoure dont ils ont été acteurs.

Parmi ceux qui savent quelque chose sur cet exploit héroïque, figure Sidi Aby Gomgnimbou, ex-correspondant de presse dans la province du Nahouri et converti depuis peu dans le transport. Il dit ne pas pouvoir parler de Blaise Compaoré, sans évoquer son amitié avec Thomas Sankara : "Je ne peux pas parler de Blaise en omettant Thomas Sankara. Je l’ai connu avant et c’est grâce à son concours que je suis devenu correspondant de presse. C’était au temps où il était secrétaire à l’Information sous le colonel Saye Zerbo."Quand le capitaine Thomas Sankara cédait sa place à Blaise Compaoré au CENEC, selon l’ancien correspondant, il a dit que son remplaçant était son ami. Par conséquent, le cercle d’amis de Sankara à Pô a continué à entretenir l’amitié avec ce dernier. C’est ainsi qu’ils ont participé activement à la résistance du 17 mai jusqu’au 4 août 1983.

Pô confié aux civils

Les jeunes à Pô constituaient déjà un embryon de ce qui allait devenir les Comités de défense de la révolution (CDR), à l’avènement de la RDP (Révolution démocratique et populaire).  Pendant que les commandos partaient sur Ouaga pour faire triompher le mouvement révolutionnaire, des consignes avaient été laissées et il fallait quelqu’un pour s’en charger, et la tâche échut encore à Gomgnimbou: " Je suis resté à Pô, j’étais chargé de recruter des anciens militaires pour faire la garde. Je les ai habillés et moimême j’étais habillé." Pour revenir à son amitié avec Sankara, l’on raconte à Pô qu’il était vendeur de produit contre les maux de ventre. Un jour, le capitaine Thomas Sankara alors patron des commandos souffrait de coliques. Ses éléments lui apprirent qu’il y a un tradipraticien qui a un bon produit contre ce genre de maux. Il envoya acheter le produit, mais quand il but il piqua une diarrhée. Les commandos se dépêchèrent de rechercher le vendeur. Quand ils l’ont trouvé, il indiqua un remède pour stopper la diarrhée : il fallait un carreau du sucre. C’est à partir de cet incident que l’ancien correspondant de presse et l’ancien président du Conseil national de la révolution sont devenus amis.

La résistance après la conspiration du 17 mai s’organise, un soudeur de Pô est mis en contribution.  De nouvelles armes en provenance de la Libye via le Ghana arrivent dans le bastion de la rébellion. L’armée voltaïque n’en disposait guère. Pour les DCA, on avait besoin d’un support métallique pour pouvoir les fixer sur les véhicules. Le soudeur s’occupera de ce travail. Il s’exécute mais ce n’est qu’après le 4 août qu’il réussit à rentrer en possession de son argent. Le 17 mai s’organise autour des éléments clés à Pô. Des noms qui reviennent sont, entre autres : Vincent Askia Sigué, Tibo Ouédraogo, Blaise Compaoré et un journaliste qui vient de temps en temps leur rendre visite, ce dernier s’appelle Mohammed Maïga, il officie dans un journal appelé Afrique- Asie.

L’expédition punitive  des militaires

L’engouement ne s’est pas fait autour des révolutionnaires pour rien. Les relations entre militaires et civils étaient au beau fixe à Pô. Pendant une absence de Sankara pour raison de stage, indiquent  plusieurs sources, un certain Gouba le remplaça. A la suite d’une dispute entre un élément commando et un jeune, ce dernier prit un pilon et frappa son bras qui se cassa. Gouba le commandant ordonna une descente punitive en ville et ce fut une débandade. Après la frayeur des civils, ils s’organisèrent pour attaquer. L’Etat central mis au courant dépêcha un officier, Saye Zerbo, pour jouer les bons offices. Après  cet incident, dès le retour de Sankara, les militaires ont été punis et depuis lors il n’y a plus jamais eu de heurts entre soldats et civils. L’un des facteurs qui  approchaient également les militaires de la population c’était la musique. Le Missil Band jouait d’abord dans un local appartenant à des missionnaires catholiques. Sankara et le responsable des missionnaires s’entendaient très bien à tel point que quand le CENEC se dota de nouveaux  instruments, il offrit les anciens à la mission.

L’ambiance de l’orchestre militaire irradiait tout Pô. Pendant 4 ans, la population s’est appropriée la révolution jusqu’à son dénouement tragique. Alors Pô eut froid au dos. Apekira Gomgnimbou, responsable du Parti de la renaissance nationale (PAREN) était celui qui traduisait les discours de Sankara en Kassena à Pô, il en faisait également pendant les veillées-débats. Pour lui, la fin de la révolution fut tragique.

L’assassinat de son leader encore plus. "Après le 15 octobre, on n’était pas d’accord, mais vu le climat de terreur, qui pouvait lever le petit doigt?" C’est d’ailleurs ce qui fait dire à Apekira que les 20 ans de la "renaissance démocratique" célébrée est une supercherie. Cette farce est indigne de la part des gens qui ont incarné l’espoir à un certain moment. Le 18 octobre dernier, il s’est éloigné de Pô pour ne pas assister à ce vacarme inutile, selon ses dires. Aujourd’hui, la population de Pô adhère-t-elle aux idéaux "blaisistes"? Apekira dit ne pas être devin pour le savoir mais ça le fait penser à un adage de chez lui : " Glorifier le chef défunt et le vivant t’affamera." Quant à Titambou B. Frédéric, responsable de l’Union pour la renaissance/mouvement sankariste (UNIR/MS), pionnier au moment où le 15 octobre intervenait, il en garde un souvenir plein d’amertume. C’est pour cela qu’il s’est engagé dans le mouvement sankariste pour poursuivre l’idéal du président Thomas Sankara. Son parti n’a pas de gros moyens, mais il en fait sien le passage d’un des discours de Thomas Sankara : "là où s’abat le découragement s’élève la victoire des persévérants." Sidi Aby Gomgnimbou qui est passé depuis peu dans le camp de Blaise Compaoré pense que c’est l’homme du moment. Il estime qu’avec lui la démocratie est en marche

Aménophis IV Envoyé spécial à Pô

Source : Le Libérateur N°42 du 20 oct. au 04 nov. 2007

 

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