Interview publié dans le N° 759 de l’hébdomadaire Bendré, paru le 14 octobre 2013

Le Balai Citoyen est partie prenante dans l’organisation du 26e anniversaire de l’assassinat du Président Thomas Sankara. Nous avons échangé avec un des leaders du mouvement sur le Sankarisme. Il s’agit de l’artiste musicien activiste, Sam’k le Jah.

On vous a connu comme défenseur de l’idéologie sankariste ; aujourd’hui vous êtes en train d’élargir vos actions dans le cadre du Balai Citoyen. Quelle image vous donnent les partis sankaristes ?

Je trouve déjà que les partis sankaristes nous compliquent la tâche. L’un des mouvements qu’on va mener, même si c’est en dehors du Balai citoyen, c’est de forcer ces gens là à se trouver un seul représentant pour parler au nom de Thomas Sankara. Il n’y a pas deux Sankara. Donc, parmi les fantoches qui se disent partis sankaristes, il va falloir qu’on sache qui est qui, qui fait quoi et avec qui. Il faut qu’on arrive à l’imposer parce qu’on est fatigué. On est fatigué que des gens disent qu’ils sont sankaristes parce qu’ils ont mangé dans la même assiette que Thomas Sankara ou qu’ils lui ont serré la main. Ils n’ont qu’à arrêter ça. Ce monsieur là, il s’est battu ; de façon claire il avait un projet de société. Ils se disent partis sankaristes et ils sont incapables d’exploiter son idéal. Il faut que les gens arrêtent.

Est-ce-que parmi les partis sankaristes, il y en a un au moins qui vous inspire confiance ?

Je ne suis pas là pour juger quelqu’un. Ce qu’on veut, c’est une seule personne pour parler de Sankara. Et on va travailler ensemble pour mettre en oeuvre le projet de société de Thomas Sankara. On ne veut pas qu’il y ait des comédiens devant les gens qui se rappellent qu’ils sont sankaristes que pendant les élections. Il ne faut pas que les partis sankaristes attendent seulement les élections pour commencer à exister. Ces partis sankaristes qui sont là, certains ont des députés à l’Assemblée nationale. Ils gagnent des millions de francs CFA. Est-ce que ces derniers peuvent se mettre ensemble, ne serait-ce que pour offrir un forage par an à la population ? C’est dans les actions qu’on juge les gens. Il ne faut pas attendre d’être président avant de faire quelque chose. Le forage, ne coûte pas plus de 5 millions. Ces gens rassemblent plus de 5 millions par mois. J’ai discuté avec un ingénieur en BTP qui l’a dit qu’un bon centre de santé peut se faire avec 30 millions F CFA. Est-ce que
ces gens ont besoin d’arriver au pouvoir avant de travailler pour le peuple. Ils ont des millions, ils achètent des 4X4 de 60 à 70 millions. Peut-être, ils ont besoin de 4X4 pour circuler mais ils sont en même temps des représentants du peuple. Ils doivent travailler pour le peuple. C’est avec des exemples concrets qu’on commence à avoir de vrais opposants. S’opposer, ce n’est pas uniquement demander aux gens de venir à la place de la révolution et de crier « on ne veut de ceci, on ne veut pas de cela ». C’est de réaliser aussi des choses pour les gens.

Pourquoi le Balai Citoyen s’intéresse-til à la commémoration du 15 octobre ?

Thomas Sankara, c’est le premier cibal ; le premier citoyen balayeur. Donc, nous ne nous intéressons pas ; c’est une obligation pour nous d’organiser cela. C’est un devoir pour nous d’organiser le 15 octobre pour rendre un hommage vibrant à Thomas Sankara.

Vous n’avez pas peur qu’on vous accuse de déporter le sankarisme au niveau du Balai citoyen ?

Le sankarisme n’est pas une chose mauvaise. Et nous au niveau du Balai Citoyen, on est ce qu’on est à cause du Président Thomas Sankara. On est ce qu’on est à cause de Norbert Zongo. Comme Sankara a dit quelques jours avant son assassinant, on peut tuer l’homme mais on ne peut pas tuer les idées. Sankara a été et restera pour nous une source à laquelle on ira toujours boire et puiser des ressources pour progresser.

Quel est le lien entre les revendications sociales ou politiques du Balai Citoyen et la question Thomas Sankara ?

C’est une continuité. Thomas Sankara s’est battu pour l’éducation dans ce pays, il s’est battu pour la jeunesse. L’appel de Gaoua pour l’éducation, les gens n’en parlent pas mais Thomas Sankara avait posé tous les problèmes de l’éducation.

Quel est le contenu du « Sankarisme » ?

Le sankarisme est un mode de vie : être honnête, digne et travailleur. C’est ce que Sankara nous a enseigné. Intégrité, dignité, travail. Il ne faut pas être des caméléons équilibristes, des tricheurs. Pionnier, oser lutter savoir vaincre, vivre en révolutionnaire, mourir en révolutionnaire, les armes à la main, la patrie où la mort nous vaincrons. C’est la Patrie d’abord. Ce n’est pas une patrie où un minable individu a bénéficié du soutien de gens lugubres, qui occupe les devants et qui fait chier tout le monde.

Pensez-vous que tous ceux qui se réclament de Sankara aujourd’hui soient dans la dynamique d’une défense des valeurs que vous citez ?

Encore une fois, je ne suis pas là pour juger les gens. Chacun a sa conception du « sankarisme ». Il y en a qui disent : « toi Sam’K le Jah, tu parles de Sankara mais tu roules en 4X4 ». Sankara n’a pas interdit les 4X4. Si ça peut me permettre de travailler, bein, je roule en 4X4. Je n’ai pas volé le peuple. Il y en a qui vont vous dire par exemple qu’un « sankariste ne doit pas boire du coca » ou des boissons venant de l’extérieur. C’est faux ! Le plus important, c’est de me demander si dans ma conception je permets aux autres de grandir sur tous les plans.

Le « sankarisme » a-t-il de l’avenir ?

Le sankarisme, ce n’est pas une question d’avenir. Comme Bob Marley l’avait dit à propos du reggae « tant qu’il y aura des gens qui travaillent, tant qu’il y aura la souffrance, tant qu’il y aura de l’espoir, le reggae sera toujours là. Je dirai la même chose tant qu’il y aura des pourritures tant qu’il y aura des chacals, des rapaces autour du peuple, tant qu’il y aura toutes ces hygiènes, ces hiboux, ces crocodiles qui sont là pour manger le peuple, le sankarisme sera là pour les combattre.

Finalement quels points positifs la jeunesse burkinabè peut-elle retenir de la Révolution?

Il y a beaucoup de points positifs. L’essentiel c’est de travailler à ce que Thomas Sankara reste vivant dans la mémoire de la jeunesse. Que la jeunesse prenne le temps d’écouter ce qu’il a dit ; qu’elle prenne le temps de demander à ceux qui ont connu la période révolutionnaire ce qu’il y a eu comme actions positives ou négatives. Le plus important pour nous aujourd’hui ce n’est pas être des nostalgiques. C’est de revisiter ces oeuvres et les actions du Président Thomas Sankara, de voir ce qu’on peut puiser qui puisse nous permettre d’avancer.

Quel est l’héritage de Sankara ?

C’est l’honnêteté, l’intégrité, la dignité, le travail. Si tout cela se retrouve dans le Burkinabè, vous verrez que les choses vont avancer. Les gens disent que le Burkina est un pays pauvre mais c’est faux. C’est parce qu’il y a trop de gros voleurs. Si on arrive à arrêter ces gros voleurs et récupérer ce qu’ils ont déjà volé, vous verrez que le pays va avancer. Le peuple burkinabè avait besoin de quoi ? Le Président Sankara l’avait dit : se nourrir, se vêtir, s’éduquer, avoir du travail, le minimum pour se loger, la dignité… Si aujourd’hui, on arrive à récupérer l’argent des gros voleurs, à mettre aux devants de l’Etat des gens honnêtes qui gèrent bien le patrimoine commun, vous verrez que le Burkina avancera.

Propos recueilli par Michel Nana pour Bendré

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