Le professeur, Spéro Stanislas Adotevi, philosophe est décédé le 7 février 2024 à Ouagadougou. Il fut, parmi de nombreuses autres fonctions durant sa vie, conseiller du Président Thomas Sankara. En guise d’hommage, nous publions cette interview réalisée en 2019 pour le bimensuel l’Évènement qui nous a aimablement autorisé à la publier et que nous remercions chaleureusement.

La rédaction du site thomassankara.net


Spéro Stanislas Kpakpovi Adotévi est Béninois d’origine et Burkinabè par naturalisation. Après les études en France (Ecole Normale Supérieure de la rue d’ULM) à Paris, et tous les diplômes requis pour l’enseignement supérieur, il est retourné au Bénin où il a exercé diverses fonctions techniques et politiques.

D’abord enseignant de philosophie au Lycée Béhanzin, l’un des seuls lycées existant alors au Dahomey (actuel Bénin). Puis concurremment Secrétaire Général de l’université commune (Dahomey-Togo) appelé alors Université du Bénin.

A la suite des multiples agitations politiques et changement de régime, il devient dans les années 63 tour à tour : Conseiller à la Présidence de la République, secrétaire général du gouvernement, directeur de cabinet au ministère des affaires étrangères, ministre, respectivement de l’information (1963), de la culture (1965), de l’éducation (1968) puis ministre de la jeunesse et des sports.

Pour des raisons de désaccords et de divergences politiques avec les dirigeants civils et militaires du pays, il décide de rompre et de commencer une vie d’errance internationale.

Un long séjour en France à l’Université Paris VII comme professeur de philosophie et d’anthropologie dans le département d’anthropologie et histoire des religions dirigé par le professeur Robert Jaulin bien connu par ses écrits et aussi parce qu’il fut l’un des premiers pionniers et théoriciens du mouvement écologique en France dans les années 70.

Adotevi quitte la France peu après 1974 pour le poste de directeur régional d’une organisation internationale subventionnée par le gouvernement canadien du nom  de «Centre de recherche pour le Développement International (CRDI) chargé de toutes formes de recherches à travers le monde. J’y fus chargé de la région Ouest et Centre de l’Afrique basée à Dakar jusqu’en 1978.

 Ensuite, le président Senghor lui fait appel pour le poste de directeur des études à l’université des Mutants à Gorée de 1978 à 1981. Dès 1981, il est recruté à l’UNICEF où il a été tour à tour : Représentant résidant au Burkina Faso de 1981 à 1987, directeur régional en Côte d’Ivoire de 1987 à 1993, conseiller spécial du directeur exécutif aux Etats-Unis de 1993 à 1996. Enfin, membre du conseil africain de la Banque Mondiale.

Dans cette interview exclusive, il parle de son histoire avec le Burkina Faso et de certains de ses grands hommes : Valère Somé et Thomas Sankara. Il revient sur son combat pour une Afrique indépendante culturellement, politiquement et économiquement ; ses divergences avec Senghor sur la Négritude et dénonce avec véhémence l’élite politique africaine actuelle, « de jeunes malfrats », selon lui, drapés du manteau de « technocrates ».

 

Vous avez choisi de prendre la nationalité burkinabè. C’est depuis quand, et qu’est-ce qui vous a motivé ?

A la vérité, je suis allé au Burkina Faso comme le fleuve va à la mer. Envoyé ici par l’UNICEF, j’ai beaucoup apprécié le travail fait. Le sérieux des gens avec lesquels j’étais en action, notamment les professeurs de santé, de l’éducation, de la culture et surtout les acteurs du développement tels que les six (6) S à Ouahigouya. Le sérieux et la fidélité des amis, leur  gentillesse, les relations professionnelles et interpersonnelles, tout cela m’a maintenu prisonnier de la Haute Volta (actuel Burkina Faso).

 Que vous rappellent vos moments d’universitaire ?

Oh, des moments d’exaltation dans le travail intellectuel, de passion et de bonheur. N’oubliez pas que les années 70 ont été après mai 1968 des années d’élan et d’explosion intellectuels. Un moment de fureur dionysiaque, de bouleversement et de fulgurance (c’est ainsi que je l’ai vécu) qui faisait que travailler et rechercher pour découvrir un autre présent était une chose belle et bonne. Faire bouger les hommes pour un autre monde. Illusion sans doute, mais une illusion nécessaire quoi que fût la suite…

Vous avez créé avec Robert Jaulin la collection  la Voix/Voie des autres. Quelle était la philosophie qui sous-tendait cette dénomination ?

Nous voulions encourager cette génération et les générations futures à vouloir autre chose que cette pensée de mort qui s’annonçait. Pour les peuples dominés et pour la jeunesse d’où qu’elle vienne, ne pas s’enfermer dans la reproduction d’une pensée uniformisante. C’était cela la philosophie qui sous -tendait cette maison d’édition. Nous pensions et je le pense toujours que l’Afrique ne pourra se développer, l’Afrique francophone, que lorsqu’elle saura choisir dans sa tête, dans son corps, dans son comportement, sa « propre vision » du monde. Une voie/voix différente. Une autre vraie voie/voix. C’est ce qu’ont fait les pays d’Asie qu’on nomme aujourd’hui les « Tigres » qui n’ont pu se développer et retrouver leur liberté d’action aujourd’hui qu’en refusant les diktats de l’Occident. En dénonçant et en combattant en pleine liberté le discours de mépris dans lequel voulait les tenir l’oligarchie transnationale qui aujourd’hui est aux commandes du capitalisme mondialisé. C’est ainsi que nous avions été amenés à publier Ahmadou Hampaté Bah ( Wangrin), Maryse Condé (Hérémakono), Mongo Béti ( Remember Ruben)

En plus d’éditer des livres, qu’est-ce que cette maison d’édition a eu comme impact dans la reconquête de l’identité africaine

La maison d’édition ne publiait pas que des livres ou des ouvrages africains. Nous publions aussi toutes sortes de recherches se démarquant de la mondialisation naissante. Ainsi, nous avons eu à produire des auteurs européens et d’ailleurs qui «  avaient mal quelque part » et dénonçaient le discours uniformisant et létal de la finance internationale.

En ce qui concerne l’identité africaine, elle a contribué avec d’autres maisons d’éditions et plus particulièrement « Présence Africaine » aux débats sur l’identification de la personnalité africaine et ses conséquences aujourd’hui. Ce que notre continent doit faire pour être installé sur ses deux jambes, récupérer sa dignité et ainsi parvenir à la palingénésie. Cette nouvelle naissance qui la rende visible et respectée dans le monde du dur aujourd’hui.

Qu’en est-il de cette maison d’édition actuellement ?

Malheureusement, cette maison d’édition appartenant au groupe Plon a été rachetée en même temps que ses collections par un Suédois (Nielsen).

A mon départ de France et à la mort de Jaulin, elle a cessé d’être active. Cependant, le nouveau propriétaire de la maison d’édition a continué à publier certains textes existant et particulièrement Hamadou Hampaté Bah dont je perçois jusqu’à présent les droits d’auteur.

A travers votre livre, Négritude et Négrologues, vous vous êtes attaqués à la négritude senghorienne. Que reprochiez-vous à Senghor ?

Il ne s’agit pas seulement de l’écriture senghorienne. Le fond du débat était que la négritude n’avait pas été jusqu’au bout de la revendication d’un futur autre. Revendiquer la négritude, c’est aussi définir une autre voix/voie que l’Occident s’imaginait pouvoir nous imposer. Définir la négritude, c’est vouloir, désirer et produire par la même occasion l’indépendance africaine. Malheureusement, la négritude par insuffisance conceptuelle n’a pas annoncé cette promesse qu’elle contenait et dont elle était cependant grosse. Les fruits n’avaient pas tenu les promesses des fleurs chez Senghor plus particulièrement. Senghor qui fut par ailleurs un grand président africain, dépassant de plusieurs tailles Houphouët Boigny, est resté coincé dans sa fidélité à la France et ne pouvait pas aller plus loin. Ici, il faut préciser qu’il n’avait  rien à voir avec Houphouët Boigny , faiseur de nuages au temps de la néo-colonisation, lui qui a placé en collusion avec ces maîtres du capitalisme international, notamment français, la cangue et les fers à l’homme africain naissant. Voilà le sens de ce livre.

A Dakar, j’ai longtemps discuté avec Senghor dans un débat souvent houleux mais entre intellectuels de tous ces problèmes parce qu’il était l’un des prophètes de la négritude. Nous avons parlé des différences qui nous opposaient. Être prophète de la négritude, c’est aller plus en avant, vouloir et définir les formes de l’indépendance que devait susciter la négritude, annoncer la rupture et énoncer un mode de pensée nouveau. Ce qui n’était pas son cas et que Césaire avait tragiquement proclamé.

Tout cela se déroulait dans son bureau de la Présidence et dans un climat de délicieuse amitié entre gens qui croyaient en l’avenir du continent. Il m’a alors constamment proposé de continuer le travail, de reprendre à mon compte la définition de l’universel sur lequel nous étions en désaccord parce que le sien pouvait s’interpréter comme soumission et fragilisation devant la domination technique et financière de l’Occident. A  ce point de notre discussion, ce qu’il n’a jamais auparavant fait, il a décidé de venir à mon domicile afin de renouer le dialogue et de donner forme à la parole commune.

Vous avez été ministre de l’information en 1963 et ministre de la culture en 1965 et 1968. Qu’est-ce qui vous a motivé à embrasser une carrière politique. ?

N’oubliez pas qu’à cette époque au Dahomey et en Afrique, le temps était aux coups d’états militaires. Des militaires qui à travers des rapts de pouvoir, s’imaginaient pouvoir faire mieux que les civils. Ce que constamment et tragiquement l’avenir démentira.

J’étais, en ce temps- là,  de ceux qui exigeaient un programme et une vision pour le Dahomey. Une vision fondée sur la réalité africaine en formulant des revendications à cet effet, en  défendant pour le pays un mode de certitude de soi africain. C’est ainsi qu’après l’un de ces coups d’états, les civils qui étaient au pouvoir ont fait appel à moi.

Ce sont, donc ces conditions qui m’ont conduit à la politique et aux postes ministériels que j’ai abandonnés quand je me suis senti en désaccord avec les politiciens qui gouvernaient en ce moment le Bénin.

Vous aviez au Burkina, un grand ami, feu Valère Somé. Quelle est votre histoire commune ?

J’allais dire une histoire d’amour. Très assurément, un feu d’artifice jamais éteint malgré les vicissitudes de la vie. Je l’ai connu à l’université des Mutants, une université fondée par Senghor, le grand intellectuel français Garaudy et le Premier ministre québécois  René Levesque.

Elle avait pour vocation de rassembler les intellectuels, les hommes d’affaires, les artistes venant de partout, Usa, Amérique Latine, l’Asie, l’Europe, la Grande Chine et plus particulièrement l’Afrique. Hommes et femmes tous désireux d’apporter quelque chose comme le pensaient deux de nos missionnaires Paulo Freire dans le domaine de l’éducation et l’évêque Don Helder Camara, un des évêques de la théorie de libération en Amérique Latine. J’ai donc rencontré Valère, un de nos missionnaires venu de la Haute Volta au cours d’un des fréquents ateliers que nous organisons où il avait affirmé une personnalité et un savoir au-dessus de tout ce qui se disait. La discussion tournait autour  de la clitoridectomie, sujet  passionné et passionnant sur un fond de douleur affirmé.

Les Européens d’une manière générale, pensaient à la suite du livre d’Awa IHIAM que l’ablation du clitoris était l’effet de la malignité des Noirs, plus précisément des hommes noirs tenant à priver leurs femmes de toute jouissance sexuelle et ainsi les maintenir en domination perpétuelle. Thèse partielle et fausse puisque comme le confirme aujourd’hui la science (anatomie, physionomie, biologie et psychologie), le sexe ne se trouve pas dans le pantalon mais dans le cerveau. Ce que disait Valère Somé correspondait à ma vision des choses puisque la pratique dont il s’agit est un fait culturel dans tous les pays où cela se pratique ( ce qui, par exemple, au sud du Togo et du Bénin, ne se pratique pas) remontant aux mythes de fondation, de création et de lecture sociétale.

Les paroles de Valère, calmes, sérieuses et élaborées prenaient le même itinéraire que les miennes. Il préconisait, pour comprendre le phénomène, de faire appel à une recherche transversale et pluridisciplinaire associant  l’histoire, la psychologie, l’anthropologie sociale, la géographie. Ce fut alors pour moi une illumination et jusqu’à sa mort, nous resterons attachés.

Aujourd’hui, grâce à cette façon de recherches, la polémique s’est apaisée autour de l’acceptation de la nécessité d’élimination de cette pratique douloureuse d’une autre époque.

Mes liens avec Valère venaient d’être tissés. Recruté pour travailler au Burkina Faso, son pays, nous n’avons pas cessé de nous voir, et jusqu’à sa mort, de travailler dans une profonde amitié malgré son caractère difficile et sa fragilité. Plus tard, par lui, j’ai connu Sankara.

Quels ont été vos rapports avec Thomas Sankara ?

Je l’ai connu par Valère Somé. Il était en ce moment premier ministre dans le gouvernement  de Jean -Baptiste Ouédraogo. C’était  déjà la période des conflits qui allait déboucher sur ce  qu’on a appelé  la révolution démocratique et populaire ( RDP). Je l’ai rencontré, j’ai été saisi par sa simplicité et son accueil. Je lui ai expliqué mes problèmes et difficultés et il m’a aidé à les résoudre. Voilà mes premiers contacts avec Sankara et plus tard quand est venue ce qu’on a appelé la RDP et comme ce dernier était un homme à la recherche d’autres choses pour la Haute Volta, il s’était lié à moi parce qu’il avait lu auparavant ‘’Négritude et négrologues’’ et mes autres publications. Ce qui ne l’empêchait pas de fréquenter plus souvent des personnes qui portaient des messages autres que le mien.

On a souvent dit de Sankara qu’il était marxiste-léniniste. Sincèrement, je ne le crois pas. Si c’était vrai, il avait dû être un marxiste totalement atypique et singulier. Ce que je sais de l’homme, c’est qu’il était en relation avec des personnalités d’autres horizons. C’était pour moi un chercheur d’oasis. Un homme à la recherche de … difficile à figer dans une définition. Ce qui le conduisait à lire beaucoup.

Je lui ai fait connaître José Marti ; Pablo Neruda ; le Manifeste du parti communiste de Marx ; Le Prince et les Discordi de Machiavel ; Schumpeter ; le fondateur, l’évolutionniste économique, père de la théorie de l’innovation ; l’économiste japonais du nom de Kanane Akanatsu qui l’a fasciné. Ensuite, ‘’ Les lettres d’adieu du Che à Fidel Castro’’. Enfin Césaire, Damas, Senghor, N’krumah.

Avec d’autres, je le sais, il a été initié au Coran et à la Bible. Deux livres qu’il cite souvent dans ses discours. Bref, ce n’était pas un marxiste conventionnel. Mais s’il faut à tout prix le définir, je prendrai à mon compte la célèbre distinction que fait le célèbre chrétien Charles Péguy. Entre politique et mystique. Sankara alliait les deux. C’était un mystique ayant une inspiration politique émotive capable d’ouvrir la voix d’une politique neuve. C’est simplement dire qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, il est comme le disent des personnalités suédoises, allemandes et danoises qui avaient organisé des marches de soutien pour le Burkina Faso, l’homme qui : « Put the Burkina on the map of the world ». Je traduis à ma manière et c’est une constatation quotidienne, l’homme qui a mis le Burkina sur orbite.

Quelle analyse faites-vous des hommes politiques africains actuels comparativement à ceux de votre époque ?

Je vais vous étonner. J’ai une grande estime pour les hommes politiques de mon époque: Les pères fondateurs de nos républiques. Ces hommes qui sont sortis de Gorée, de l’école de médecine de Dakar, de Sébécotane, de Kati au Mali et autres écoles de formation des cadres destinés à assister le colonisateur étaient des hommes estimables pour ce qu’ils voulaient et représentaient. Ces Hommes se sont battus pour l’indépendance à leur manière. Ils étaient sans doute, du moins, en ce qui concerne les pays francophones convaincus de la gentille coopération de la France mais respectueux et aimant leur pays et pouvaient prendre au besoin des décisions fortes. En exemple, la décision d’évacuation de l’armée française présente en Haute Volta prise par le gouvernement auquel appartenait Bamina Nébié.  Ce fut également le cas au Dahomey de Hubert Maga etc.

En même temps, et c’était leur vraie force. Ils savaient qu’il y avait des choses qu’on ne devait et qu’on ne pouvait pas faire. Par exemple, tous ces détournements massifs qui étouffent sans honte l’Afrique empêchant son développement que les jeunes politiciens d’aujourd’hui trouvent  normaux. Détournements sans aucune retombée pour le continent. Car si dans les pays européens et ailleurs, les cadres se sont servis de la politique pour s’enrichir en effectuant des détournements, ceux qui le faisaient investissaient au moins une grande partie de leur vol dans leur pays créant ainsi des bourgeoisies nationales capables de défendre les intérêts nationaux.

Ces détournements faits aujourd’hui par de vrais jeunes malfrats qui ont le culot de se dire technocrates n’avaient pas cours au temps de leurs aînés.

C’étaient des hommes vraiment respectables issus de la tradition qui savaient qu’il y avait dans la vie des choses honteuses. Vous n’êtes peut-être pas d’accord avec moi mais c’est ce que j’ai constaté et vécu en ces temps -là.

Vous avez certainement appris les circonstances du départ de Maurice Yaméogo du pouvoir. Comment vous analysez cela ?

La raison finale émotive et causale de son départ a été le mépris des principes moraux traduits dans son mariage célébré avec faste à un moment de difficulté économique et financière pour la Haute Volta. Cela, le ministre français d’alors Maurice Couve de Murville ainsi que De Gaulle l’ont clairement confirmé au cours d’une visite qu’une délégation dahoméenne avait faite. De Gaulle nous avait expressément dit : «  Son mariage lui avait fait beaucoup de torts ». En un mot, Yaméogo a été renversé parce qu’il avait transgressé les règles de la morale traditionnelle. Il ne connaîtra plus jamais des frissons d’être au centre des décisions.

Aujourd’hui, la nouvelle classe politique qui dirige l’Afrique est confrontée à des défis qui ne sont pas  les mêmes que ceux dont vous parlez tout à l’heure. Selon vous, quels sont les grands défis de cette nouvelle génération d’hommes politiques ?

Les défis sont les mêmes qu’hier. Il s’agit aujourd’hui de leur trouver des réponses appropriées aux exigences du temps présent. Défis de l’indépendance politique, économique qui commencent par une libération mentale  et psychologique. C’est-à-dire la volonté de croire envers et contre tous les traquenards  inventés par les ennemis que sont toujours les mêmes pour l’Afrique. Ennemis de toute race qui ont accepté les principes du système et qui nous empêchent souvent d’être nous-mêmes.

L’Asie, (les fameux Tigres) était au même niveau que nous  et que très tôt, ils se sont révélés eux-mêmes, en repoussant  les exigences mortifères de la Banque Mondiale, du Fonds monétaire et de tous ceux qui ont eu la prétention  de croire  qu’ils peuvent leur enseigner , du haut d’un hôtel de luxe, comment manger leur riz avec leurs baguettes.

Je ne nie pas qu’on ait besoin d’aides étrangères. Mais l’argent, on peut déjà commencer par le trouver chez soi par le sérieux et l’exigence.

Quant aux fonds venus de l’extérieur, il doit servir aux politiques élaborés et définis par nous-mêmes. C’est là le défi d’hier comme d’aujourd’hui. On n’a pas besoin d’être d’accord sur tous les points avec le président Paul Kagamé, force est de reconnaître cependant qu’on est obligé d’accepter que par son exigence sans concession vis-à-vis des bailleurs extérieurs et une politique intérieure d’effort national bien pensée, l’homme a fait bouger son pays.

Pour ce qui est de la dette que nous avons plusieurs fois remboursée, il est bon d’admettre et de faire admettre qu’elle est le produit de ces éléphants blancs vendus par des bureaux d’études européens car nous n’en avions pas à l’heure des indépendances d’africaines.

Ce sont ces bureaux d’études étrangers qui ont installé sur le continent les miasmes de la misère et de l’appauvrissement sans fin que nous avions nous-mêmes assis, développés et ventilés avec ces « amis de toujours »

Le défi majeur pour l’Afrique de l’Ouest est l’intégration monétaire dont l’échéance est prévue pour 2020. Comment analysez-vous le processus d’opérationnalisation de cette intégration monétaire ?

Si nous voulons vraiment et sérieusement nous développer, nous n’avons pas d’autre choix que d’accepter l’intégration. La question de l’Eco a été posée par l’intégration dont l’avènement n’en est qu’une des expressions. La question de l’Eco a été posée depuis 2009. En 2013, on a fini par mettre un système de réflexion pour 2020. Mais, il y a des forces rétrogrades qui continuent de s’opposer à son avènement. Or, vouloir d’une monnaie commune qui est une nécessité est aussi une certitude indispensable à la condition de développement et de l’indépendance que nous souhaitons. Nous ne pouvons  obtenir tout cela que par et à travers le regroupement de plus en plus large. Ce qui fait la force du Fcfa, ce n’est pas le contenu de la politique qui l’a fondé et dont je ne m’y intéresse pas ici. Mais surtout son appartenance à un grand groupement avec des hommes ayant reçu une même formation en matière de culture technique et monétaire. Les 15 pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, malgré les apories inhérentes à la dépendance vis-à-vis de l’ancien colonisateur, ils n’en constituent pas moins un marché qui a sens et existence. Mais si nous voulons vraiment nous développer dans notre région, un développement qui nous fasse sortir des piétinements, de pays sans consistance, le seul marché valable pour la région est la CEDEAO avec une population de plus de 300 millions d’habitants, un marché important. Sans avoir les mêmes cultures avec la définition d’une politique et d’une vision, nous pouvons affirmer cette nécessité de se développer en évitant tous les écueils du Fcfa, une monnaie de pays pauvres, arrimée à une monnaie forte, l’Euro. Avec l’Eco, non seulement, nous constituons un regroupement plus grand mais nous cessons d’être arrimés à une monnaie forte. Ce qui est un avantage. L’un des grands défauts, le péché originel du Cfa c’est qu’arrimé à une monnaie forte ses pays peuvent acheter mais ne peuvent pas vendre. Ils restent dépendants de l’importation. Ce qui contredit toutes formes de véritable émergence. Il est temps de créer une interdépendance des peuples et des nations au sein d’un ensemble fort grâce à la circulation des capitaux. Tout ceci a été bien analysé par mon ami Justin Damo Barro dont j’ai apprécié la démarche intellectuelle en la matière.

On sait que l’économie va de pair avec la sécurité, pour le développement d’une     nation, alors que, dans l’espace CEDEAO, la plupart des pays sont confrontés à des attaques terroristes. Comment peut-on venir à bout de ce fléau ?

Premièrement, mutualisons nos forces économiques pour assurer la présence effective de l’État grâce au développement économique dans toutes ces régions où s’affirme la misère. Si nous analysons la situation de toutes ces régions où sévit le terrorisme, il est facile d’acheter les gens intellectuellement et moralement indigents pour commettre n’importe quel crime.

Il est donc nécessaire de maintenir le cap en matière de développement économique, un des grands principes. Deuxièmement, affirmer la réalité de l’État par la présence effective de ses démembrements notamment une armée bien dotée en matériels de défense, bien formée et informée des exigences qu’implique la vie de la Nation. Ensuite, mettre l’accent sur l’éducation de la population et le rôle qu’elle doit tenir face au danger qui menace les nations.

Que souhaitez-vous pour le Burkina Faso ?

Je crois les temps d’aujourd’hui sont lourds pour nous tous. Mais je crois au pouvoir de résilience du peuple burkinabè dont les qualités de courage ne se démontrent plus. Ce peuple capable par son intelligence et le sérieux dans le travail peut parvenir à des résultats encore plus forts surtout s’il est soutenu par un pouvoir à la hauteur de sa mission. Face à ces difficultés, nous devons apporter à notre gouvernement un soutien patriotique résolu quelles que soient nos divergences politiques et une présence de conscience nationale.

Interview réalisée par Gaston Bonheur SAWADOGO et Raphaêl N. ASPAVATI

Source : L’Évènement n° 405 du 10 septembre 2019

 

LAISSER UN COMMENTAIRE

Saisissez votre commentaire svp!
SVP saisissez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.