Publié sur lefaso.net le dimanche 19 avril 2015

Par Bassératou KINDO

Après 29 ans, des membres de l’Association de solidarité et d’amitié Burkina Faso-Cuba (ASA – BC) sortent de leur silence. Pour rappeler l’histoire du contingent des 600 élèves burkinabè envoyés en république de Cuba pour une formation technique et idéologique en 1986. Depuis leur retour en 1992 et 2001, beaucoup d’entre eux croupissent dans la misère, faute d’emploi, et très souvent, par – le bon vouloir- de l’ancien régime. Samedi 18 avril, ils ont animé un point de presse pour interpeller les autorités de la Transition afin qu’elles se penchent sérieusement sur cette situation. C’était en présence de l’ambassadeur de la république de Cuba au Burkina, Ana Maria Chongo.

Six cent (600) élèves burkinabè âgés entre 12 et 14 ans, issus de familles défavorisées ou encore des orphelins, avaient été envoyés, en 1986, en république de Cuba pour être formés. L’initiative entrait dans le cadre de la coopération sud-sud et qui avait abouti à un accord d’amitié et de coopération signé le 21 décembre 1983 à la Havane entre le Burkina Faso et le Cuba. Sa mise en œuvre, guidée par une convergence révolutionnaire entre le président Thomas Sankara et Fidel Castro Luz, a été, effectivement, concrétisée par la formation idéologique et technique des 600 Burkinabè dont 135 filles.

En effet, regroupés dans une petite Ile – Ile de la jeunesse -, ils ont reçu la visite de plusieurs autorités burkinabè qui les rassuraient de l’importance que le gouvernement accordait à cette formation pour la construction du pays. « Ces visites ont lieu de 1986 à 1987 », se souvient encore Stanislas Damiba, secrétaire général de l’association. A la suite de l’obtention du BEPC, et au regard du besoin immédiat pour la sauvegarde des unités industrielles et le développement des secteurs clés, le gouvernement a requis d’orienter les jeunes dans 38 filières différentes. Ce sont entre autres, ingénieur cybernétique, ingénieur mécanique, métrologie, eaux et forêts, économie du travail, technicien agronome, santé, technicien élevage et zoo thermique, géologie, etc.

Trente-trois(33) élèves, selon M. Damiba, ont été autorisés à poursuivre un cursus-pré-universitaire. Le reste de l’histoire est ce que raconte M. Damiba : « le premier contingent des nouveaux diplômés est arrivé au Burkina Faso le 9 juillet 1992, après avoir fait 7 ans d’études à Cuba et de fur en mesure jusqu’en 2001 pour ceux qui ont poursuivi les études universitaires. Trois ans après leur arrivée, ils ont été appelés sous le drapeau pour le Service national de développement (SND) ».

Un comité interministériel pour une intégration professionnelle

L’intégration professionnelle des « enfants de Cuba », encore appelés « enfants de Sankara » devait alors être réfléchie au sein d’un comité interministériel. « Le comité interministériel mis en place a fait des propositions pour l’insertion socio-professionnelle des diplômés venus de Cuba prenant en compte les profils formés, qui du reste ne répondaient plus au marché de l’emploi burkinabè, car les unités industrielles visées étaient fermées », explique M. Damiba. Pour ce faire, le comité avait donc décidé de l’intégration des diplômés dans les différents ministères selon le profil, la reconversion de carrière et enfin, l’accompagnement financier pour l’auto-emploi. Le résultat a abouti à la rédaction d’une lettre n° 93-413/ETSS/SG/ONPE, portant affectation des élèves burkinabè en fin de formation de retour de Cuba. Instruction avait été ainsi donnée aux différents ministères qui ont reçu ces diplômés pour le SND de les intégrer. C’est dans ce cadre que beaucoup ont pu être intégrés dans lesdits ministères. Ce n’est pas pourtant pas la fin du calvaire, à en croire Stanislas Damiba qui relate que : « certains ministres ont tenu des propos qui resteront gravés dans nos mémoires pour toujours tels que – si vous savez ce que la révolution a fait de moi, vous ne seriez pas venus dans mon bureau pour me parler de votre problème d’emploi, ou encore, – tant que je serai là, vous ne serez jamais reclassés ». Face à cette situation les anciens de Cuba ont décidé d’entamer des démarches pour rencontrer l’ancien président Blaise Compaoré qui, malheureusement, sont restées sans suite. « Nous avions rencontré le Médiateur du Faso, la commission nationale pour l’organisation de la Journée nationale du Pardon et bien d’autres structures, mais aussi des personnes ressources pour expliquer les difficultés. Ces tentatives ont été soldées par des déceptions car ils répondaient que le problème est purement politique », dit-il.

Un bilan triste, la nécessité d’examiner des cas sociaux

29 ans après, le bilan selon les membres de l’association est triste avec 44 décès dont 5 suicides, 6 malades mentaux, et 9 promotionnaires partis en aventure. Tout calcul fait alors, des 600 diplômés, 263 ont eu la chance d’être intégrés dans leurs ministères de tutelle ou admis à des tests de recrutement, et 293 sont encore et toujours au chômage.

Ceux qui, même, ayant pu trouver un emploi, ne sont pas sans difficulté, notamment pour leur reclassement. De plus, les anciens de Cuba confient subir toute sorte de négligence, de dénigrement, tout simplement, parce qu’ils ont fait des études dans le pays de Fidel Castro. D’où l’importance de cette conférence de presse pour interpeller les autorités actuelles afin qu’elles se penchent sur leur situation. Des démarches sont déjà entamées afin de voir au cas par cas, la situation des chômeurs. En attendant, une cellule sociale a été mise en place pour accompagner ceux qui n’ont pas toujours de quoi subvenir à leur besoin. Toutefois, cette solidarité demeure insignifiante face à la triste réalité.

Bassératou KINDO

Source : http://www.lefaso.net/spip.php?article64315

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