ISBN 978-2-360-53614-6

Editions Gérard de Villiers, 2016

Roman d’espionnage, 256 pages

  • Présentation de l’auteur :

Gérard de Villiers était un journaliste, écrivain et éditeur français né le 8 décembre 1929 et décédé le 31 octobre 2013 d’un cancer du pancréas. Entre 1965 date de son premier SAS et sa mort, il a écrit et publié 200 SAS qui sont des romans d’espionnage dont « le noyau dur, selon lui, est 80% de réalité ».[1] En janvier 2013, un article du journal américain The New York Times, revient sur sa carrière et l’intérêt que portent les services secrets du monde entier à son œuvre, il est présenté comme « l’écrivain des romans d’espionnage le mieux informé de son époque ».

En anti-communiste déclaré, il dresse dans ces récits fictifs des événements géopolitiques qui allaient se produire quelques mois plus tard. Se présentant lui-même comme « un conteur de faits pour les adultes »,[2]Gérard de Villiers renvois le mérite de son œuvre à la qualité de ses informateurs constitués de journalistes, de diplomates et des agents des services secrets disséminés à travers le monde ; des informateurs qu’on retrouve au fil de ses pages. D’ailleurs il était lu par les présidents français Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac et Sarkozy. Alors que certains le soupçonnent d’appartenir aux services secrets, lui s’en défend et parle des gens qu’il connait bien, qu’il respecte et qui eux en retour le respectent ; il a connu les plus grands espions français, anglais, allemands et américains[3].

Cependant, Benoit Franquebalme, dans son livre consacré à l’œuvre de Villiers, Son altesse sérénissime Gérard de Villiers, confirme ses accusations. En effet les témoignages, qu’il a recueillis auprès des anciens des services secrets, montrent que Gérard de Villiers était un correspondant de la Division Générale de la Sécurité extérieure (DGSE) qui utilisait ses SAS « pour faire de la désinformation (…). Par lui, on faisait passer des messages ».[4]

De ces messages passés en 1984, le Burkina Faso les a reçus le 15 octobre 1987. Dans SAS Putsch à Ouagadougou, Gérard de Villiers fait « l’onomastique de l’actualité » internationale. Il s’imprègne de l’actualité des représentations politico-médiatiques occidentales sur Thomas Sankara pour construire un roman d’espionnage digne de James Bond étrangement trop près de la réalité qui allait secouer le Burkina et l’Afrique trois ans plus tard.

  • Commentaires

Intrigant, pouvons-nous dire à la fin de la lecture de ce livre qui étrangement a reproduit en 1984 le déroulement presque identique du coup d’État qui s’est produit au Burkina trois ans plus tard en 1987. L’auteur devait avoir des dons de voyance ou bien être au courant de ce qui allait se produire dans les mois qui suivirent l’arrivée au pouvoir des révolutionnaires marxistes-léninistes.

C’est l’histoire de Malko Linge prince autrichien et agent de la CIA (le héros ou le personnage principal de tous les SAS de Gérard), qui s’infiltre au Burkina Faso pour destituer le président marxiste Thomas Sankara arrivé au pouvoir quelques mois plus tôt. En collaboration avec un correspondant de la DGSE française Georges Vallos, de deux autres agents de la CIA et d’un officier burkinabé en exil en Côte d’Ivoire le colonel Ouedraengo, Malko coordonne les différents éléments du coup d’État avec le desk Afrique de la CIA.

La façon dont est présentée Thomas Sankara, est dans la ligne des représentations politico-médiatiques occidentales et anti-communistes de l’époque. Selon Gérard de Villiers, c’est un dictateur de la pire espèce, un voyou protégé par le KGB russe qui massacre toutes personnes s’opposant à sa politique autoritaire. Le Burkina est présenté comme une jungle où régnait la terreur, une vraie loi des plus forts symbolisés par les milices armées (les CDR) et les mercenaires recrutés par leur cruauté dirigés par Emmanuel Bangaré, véritable sanguinaire et bras droit de Sankara, « le Tonton-Macoute du régime »[5] offert gracieusement au P.F par l’autre dictateur marxiste-léniniste du Ghana Jerry Rawlings.

Gérard de Villiers dresse un portrait antinomique, contraire, aux antipodes de la réalité sur Sankara : il est misogyne alors que nous savons le combat visionnaire de l’homme pour l’émancipation de la femme ; il détruit la nature alors que savons aussi le combat qu’il a mené pour la sauvegarde de l’environnement ; etc. En bref Sankara était l’archétype du diable pour Gérard de Villiers, il fallait s’en débarrasser car « 90% de la population » était contre lui et mettre à la tête le Colonel Ouedraengo qui était à l’inverse de Sankara l’exemple du bon dirigeant antimarxiste, gentil et qui aime les Occidentaux. Ainsi le point de départ du putsch qui devait destituer Sankara après avoir facilité secrètement le retour du Colonel Ouedraengo au Burkina, était la base militaire de Pô où l’ami de ce dernier le colonel Kolgo avait préparé ses troupes pour l’assaut final : « Salut camarade. Nous t’attendons et nous sommes prêts à te suivre. Mort à Sankara ».[6]

Même si à la fin du roman, le coup d’Etat échoua et se solda par la mort du colonel Ouedraengo au lieu de Sankara, le message fut passé. On n’a pas besoin de rappeler que le vrai coup d’État qui a emporté Sankara trois ans plus tard portait la marque du leader de la garnison de Pô Blaise Compaoré. Etrange coïncidence si coïncidence il y en a eu !

En reconstituant et en faisant le parallèle entre le film de la mort de Sankara et le récit fictif de Gérard de Villiers, on a froid dans le dos. Comment un écrivain pouvait décrire avec une marge d’erreurs de 20% un événement d’une telle gravité géopolitique ? Les dons de voyance, il n’en avait pas. Il est clair donc qu’il travaillait en étroite collaboration avec les différents services secrets occidentaux pour être au parfum de toutes les opérations que concoctaient concomitamment ces derniers dans ce contexte de lutte contre le Bloc de l’Est.

« SAS Putsch à Ouagadougou » en plus des autres événements internes et externes semblaient être une préparation, un avant-gout, un avertissement pour un futur qui allait être fatal à Thomas Sankara.

Cheikh Ahmadou Tidiane Mané

UCAD-UVSQ

[1] « Tête à tête avec Gérard de Villiers », France Culture, 14 mars 2013.

[2] Id, Idem.

[3] Id, Idem.

[4] « Gérard de Villiers : Révélations sur les secrets d’un écrivain sulfureux ! », France Dimanche, 9 juin 2018.

[5] Villiers G., SAS Putsch à Ouagadougou, Paris, Editions Gérard de Villiers, 2006, p. 10.

[6] Id, Idem, p. 150.

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