Thomas SANKARA, flambeau des luttes sociales

Les mouvements sociaux ont marqué une halte à Ouagadougou autour de la tombe de Thomas SANKARA où ils ont effectué un pèlerinage le vendredi 28 janvier 2011. Visage froid à leur arrivée aux cimetières, mines de colère devant la tombe du leader panafricain de la lutte anti-impérialiste, des jeunes africains et européens en route pour le Forum social mondial de Dakar ont marqué leur détermination à poursuivre la lutte sur tous les fronts pour mettre fin au mépris des peuples par les dirigeants dictateurs, farouches tenants du capitalisme sauvage. Le sacrifice suprême de Thomas Sankara dans la lutte en faveur des valeurs universelles et le respect des peuples du monde entier a été pris pour exemple.

Dans les lignes qui suivent, nous vous proposons, la discours de Sams’K Le Jah, invité par les organisateurs, une interview de Rasmané Zinaba, d’ATTAC Burkina et du CADTM (Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde), membre du Comité d’organisation ainsi que d’une courte présentation de la caravane des mouvements sociaux (voir à http://www.cadtm.org/La-caravane-des-mouvements-sociaux).

Les photos sont de Amidou Kabré

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Discours de Sam’s K Le Jah aux pèlerins autour de la tombe du Capitaine Thomas SANKARA, le 28 janvier 2011 :

Il faut arriver à choquer les gens pour que certaines flammes puissent rester. Voyez-vous, l’intégrité est partie avec Thomas Sankara. Je suis un peu dur peut-être. Mais ce n’est pas pour dire que tous ceux qui sont restés sont des cons. Non !

Après l’assassinat de Thomas SANKARA, bon nombre de ses proches, ses compagnons de lutte sont restés dans le silence, d’autres ont été intimidés ou tués. Beaucoup ont décidé de décidé de se taire…

Quoi qu’il en soit, je pense que le flambeau nous a été passé par nos devanciers. Hier, c’était nos grands parents qui dirigeaient l’Afrique. Aujourd’hui, ce sont nos grands frères. Demain ce sera nous. Donc si dans la continuité la chaine se casse, ce n’est pas bon.

La vidéo de la commémoration réalisée par Philippe Vitaller

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Après avoir rencontré quelques personnes, même si on n’est pas des journalistes des grandes écoles, on essaie aussi de faire petites recherches de confrontation pour essayer de comprendre ce qui s’est réellement passé. Ici la considération qu’on a pour les morts n’est pas forcement la même considération un peu partout. Culturellement, il y a un certain blocage. On a tous dit que Sankara n’est pas ici et même s’il est là, il ne mérite pas d’être ici. Voilà ! La preuve, c’est maintenant qu’ils ont clôturé le cimetière. Sinon c’est un dépotoir. J’ai toujours décrié cette hypocrisie des Burkinabé ; quant un cortège funèbre passe, tout le monde s’arrête. Même ceux qui sont à moto se garent au passage du cadavre. Malheureusement, l’endroit où on l’enterre, vous venez jeter vos ordures. Ce n’est pas logique. SANKARA il n’est certainement pas ici.

J’ai rencontré des prisonniers parce que ce sont des prisonniers qui ont ramassé les corps quand il y a eu les massacres au Conseil de l’entente. Il y a un qui m’a donné des témoignages sur la bague d’alliance de Thomas Sankara. C’est un prisonnier qui l’avait enlevée et qui l’avait vendu à un certain DIAWARRA à l’époque jugé et condamné pour détournement de fonds sous la révolution. Ce Monsieur a acheté la bague par esprit de vengeance.

Il a apporté un autre élément parce que les témoignages disent que Sankara quant il est sorti, il a tiré. Il a dit que ce n’est pas vrai parce que Sankara avait toujours son arme la dans la ceinture quant il a été abattu. Je ne vois pas, même dans les Westerns, quelqu’un sortir son flingue tirer pendant que c’est chaud.

(Photo Amidou Kabré)

Donc pour nous aujourd’hui, l’histoire de cette affaire doit être revue. J’ai lancé il y a deux ans le «Thomas Sankara revival » (voir le compte rendus de l’édition 2009 à http://thomassankara.net/?p=890 et de l’édition 2010 à http://thomassankara.net/?p=1034 ) pour marquer la date de naissance de Thomas Sankara parce beaucoup de Burkinabè ne savent même pas qu’il est né un 21 décembre. On s’est plus focalisé sur le 15 octobre en oubliant sa naissance. Mais pour moi, Sankara n’est pas mort ! Donc il faut marquer sa naissance et non son assassinat.

Tant qu’on n’a pas vu le corps d’un individu, on ne fait pas le deuil. C’est vrai que ça nous a coûté ce que ça nous a coûté en matière de menaces de morts, d’intimidation. La pression a été qu’il faut quitter le pays et tout… Il a accepté mourir pour ce pays, je ne sais pas pourquoi nous qui n’avons pas la dimension de Sankara allons partir. Ce n’est pas possible ! Et c’est cette conviction qu’on essaie de mettre dans la jeunesse en lui disant que la liberté là ce n’est pas Jésus ou Mohammed qui va nous donner cette liberté. Ça s’octroie ici. J’ai toujours citer Jésus comme un révolutionnaire. Ça choque les Chrétiens mais Jésus est un révolutionnaire. Il est venu pour rétablir la justice. C’est un justicier, comme Mohammed…eux tous sont des justiciers. C’est vrai que l’éducation religieuse, je ne dirai pas spirituelle, ça choque.

Beaucoup de choses ont été dites sur Sankara mais encore une fois, ceux qui ont la chance d’être au Burkina, continuez de fouiller parce que tout n’a pas encore été dit. Plus on avance, plus on a de la sympathie pour l’homme.

(Photo Amidou Kabré)

Récemment l’un de ses bras droits Boukary Kaboré dit Le Lion lors de la première édition de Thomas Sankara Revival a fait un témoignage de plus d’une heure sur Thomas Sankara. Il a dit une chose : la seule fois où il a invité Sankara parce qu’il avait une base militaire de venir à Koudougou et il n’est pas venu, c’est le lendemain qu’on l’a tué. Ils savaient tout le plan qui avait été monté.

Lors d’une de leurs visites à Accra pour voir le Président Ghanéen Rawlings avait dit : allez-y le convaincre de venir. Arrivé au Ghana, il allait être bloqué à Accra pour que les autres règlent ce qu’il y avait à régler à Ouagadougou avant qu’il ne revienne. Plusieurs fois, il a voulu rendre sa démission et Boukary Kaboré lui avait fait la proposition suivante : tu viens à Koudougou au BIA (Bataillon d’Intervention Aéroporté), on te bloque, tu appelles la presse, tu rends ta démission et tu donnes le pouvoir au Premier ministre ( Blaise Compaoré) et tu vas voir la réaction du peuple. C’est sûr que Blaise n’allait pas faire 2 semaines au pouvoir.

Le 15 octobre 1987, il devait être tué le matin. On lui a dit de ne pas sortir. Il est resté toute la matinée chez lui. C’est quant il est sorti le soir en tenue de sport que les choses se sont passées. Des révélations ont été faites sur l’implication de la Lybie, de la Côte d’Ivoire et même des Etats-Unis parce qu’il y a des festivités chez le représentant de Coca cola à l’époque le jour de l’assassinat de Thomas Sankara pour marquer la joie. Ça rappelle l’assassinat de Lumumba ; quant on l’a assassiné, il y a eu à la limite dans les diplomaties, les représentations une fête ».

Restranscription Kadré Amidou
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Interview de Rasmané Zinaba

Quelles sont les raisons de votre venue ici ?

Notre venue Dagnoen, au cimetière où est enterré Thomas Sankara, c’est un peu la preuve de notre reconnaissance à un des devanciers dans lutte du mouvement altermondialiste notamment pour des acquis sociaux ; notamment pour la défense des questions qui nous sont chères telles que la souveraineté alimentaire, la souveraineté sociale, la justice fiscale, etc. Ce sont des questions qui ont été déjà posées et débattues par quelqu’un comme Sankara qui était en avance sur son temps. Aujourd’hui nous lui devons toute notre reconnaissance. C’est tout un hommage ; raison pour laquelle à l’arrivée de la Caravane des mouvements sociaux en route pour le Forum social mondial de Dakar, nous avons voulu marquer un arrêt spécial au cimetière pour rendre hommage à cet héro comme on l’a fait à Wida avec des escales et comme on le fera à Gorée, à Khai également au Mali.

Au-delà de l’hommage à Thomas Sankara, quelle est l’importance d’une telle activité au Burkina ?

Nous voulons divulguer ou diffuser au maximum le message de ce dernier quitte à ce que tous ceux qui ne sont pas au courant de tout le combat que Sankara a mené, qu’ils soient informés et qu’ils prennent fait et cause pour la lutte que nous sommes entrain de mener parce que cette lutte là, elle est certes menée par une minorité mais la majorité souffre des affres du néolibéralisme et du capitalisme. Nous appelons à ce qu’il y ait une mobilisation plus forte pour qu’il ait une mobilisation forte

Sams'K Le Jah et Rasmané Zinaba se recueillent (photo Amidou Kabré)

On a l’habitude de voir des pèlerinages dans des lieux saints, est-ce à dire qu’à partir de maintenant la tombe de Sankara devient pour vous un lieu sacré ?

Plus qu’un lieu sacré ! Ceux qui font les pèlerinages dans les lieux saints c’est parce qu’ils ont une foi en ce qui s’y trouve. Nous également, nous pouvons avoir foi en quelqu’un qui a osé lutter pour nous, qui a osé sacrifier de son temps, de sa vie, de ses ambitions pour le peuple. Nous ne pouvons que lui rendre un hommage par un pèlerinage. S’il y avait plus que ça à faire, on le fera peut-être. Mais le pèlerinage c’est le juste milieu de ce qu’il faut pour rendre hommage à un tel homme.

En prélude au forum, avez-vous un message à l’endroit des autorités Burkinabé ?

C’est déjà de dire à nos autorités que le boom est imminent parce que la jeunesse pleure, les femmes pleurent, les paysans pleurent et de plus en plus les fonctionnaires également sont entrain de pleurer. Il y a une actualité qui nous choque tous ; certainement c’est l’actualité de la Tunisie. Il y a une vraie révolution en Tunisie. Certainement ça va faire boule de neige, certainement que beaucoup de présidents, beaucoup d’autorités doivent regarder un peu plus du côté de leurs populations qui crient, les écouter surtout et de prendre en compte leurs préoccupations. C’est tout ce que nous demandons.

Une certaine opinion pense que ce n’est vraiment pas la tombe de Sankara sur laquelle les gens viennent s’incliner mais que sa tombe est à rechercher ailleurs. Votre opinion ?

Je suis foncièrement d’avis avec ceux qui le disent, mais n’empêche ; actuellement, nous sommes dans un processus de lutte. Tôt ou tard, la vérité éclatera. Mais actuelle, nous allons pour le moment nous contraindre à ce que nous avons sous la main et quelque soit le lieu où il a été enterré, il y a lieu de dire aussi qu’il a été un homme tout simplement qui a osé lutter pour nous et il faut juste lui rendre hommage. Qu’il soit enterré ici ou au Conseil de l’entente ou en un autre lieu, nous pensons qu’il est nécessaire de lui rendre hommage et c’est ce que nous faisons.

On ne voit pas les mouvements sociaux s’engager dans l’arene politique de façon ouverte alors que le dossier Sankara est politique, pourquoi vous ne le faites ?

Aujourd’hui la politique politicienne laisse à désirer. Nous disons aussi que l’essentiel pour nous ce n’est pas le moyen mais la finalité. Si nous pouvons arriver à contraindre des gouvernements, à contraindre des bailleurs, à contraindre ceux qu’on appelle les grands dirigeants du monde pour que justice soit faite sur plein de dossiers tels que les dossiers Lumumba, Sankara et bien d’autres, il n’y a pas de raison que nous nous transformions en partis politiques. Malheureusement ! Mais il n’est pas exclu que de plus en plus, il y a des partis émergents comme le Nouveau parti anticapitaliste, le Front de gauche qui sont des dynamiques nées des fora sociaux. Ces partis exercent dans l’areine politique et apportent leur contribution en étant dans cette dimension.

Votre avis sur la gestion actuelle du pouvoir au Burkina Faso?

Il faut dire tout simplement que la gestion est chaotique. On est dans une dimension où on a un président qui ne pense qu’à sa tête et qui pense juste se maintenir. Avec le dernier remaniement ministériel qui a connu l’arrivée d’un « ministre de l’article 37 » qui est là pour les reformes politiques, soi-disant, il y a cette ambition de perdurer au pouvoir parce qu’on a peur de subir les affres de la justice quand on va quitter le pouvoir. Au niveau social même, il faut comprendre que la misère est de plus en plus grande, il la gabegie est de plus en plus grande, la corruption qui se fait de manière intense. Ce sont des questions qui ne laissent personne indifférent. Mais dans la dynamique de tout peuple, il y a un temps pour subir, mais il y a un temps pour se révolter. Le peuple tunisien l’a fait en vint-trois (23) ans, espérons que nous le ferons en vingt-quatre (24) ans, c’est-à-dire dans l’année 2011 ; sinon nous le ferons plus tard. Toujours est-il que la souffrance cessera un jour.

On a vu les derniers événements en Tunisie, pensez-vous que le peuple Burkinabé peut faire pareil ?

Le peuple Burkinabé l’a déjà démontré par une fois le 03 janvier 1966 qu’il était capable de dire un jour NON à un président qui a été élu à 99% de voies. C’est une intime conviction. Quand je vois aujourd’hui la jeunesse dans les structures militantes, j’ai foi en quelque chose : ça peut-être prendre le temps que ça va prendre. Toute dictature qui perdure finit par s’enliser et finit par se détruire elle-même; et le boom est imminent comme on le dit chez nous.

Vos espoirs sur le dossier Thomas Sankara ?

J’ai foi qu’un jour ce dossier sera jugé et il sera bien jugé. Vous avez vu Pinochet. Ça pris le temps que ç’a pris, mais il y a eu justice à la fin. C’est cette justice que nous attendons et que nous réclamons.

Propos recueillis par Kabré Amidou

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La Caravane des mouvements sociaux

La caravane des mouvements sociaux partie le 24 janvier 2011 de Cotonou, devait amener un certain nombre de délégués au forum social mondial de Dakar où l’arrivée était prévue le 4 février.
Organisée par le CADTM Afrique, en collaboration avec de nombreux mouvements sociaux et associations dont No Vox, l’association malienne des expulsés, l’association togolaise des expulsés, l’ONG Mars Togo, Visions solidaires Togo, Grami Afrique Centrale, les Attac d’Afrique, ROAD, etc. elle a organisé de nombreuses activités tout au long du chemin. Objectifs : sensibilisation, conscientisation et mobilisation. Bien moins médiatique que l’horrible Paris-Dakar, ce Cotonou-Dakar des mouvements sociaux, s’annonce pourtant bien plus passionnant et pas moins sportif :

Les compte rendus des différentes étapes se trouvent à l’adresse http://www.cadtm.org/La-caravane-des-mouvements-sociaux.

Arrivés à Ouagadougou dans la nuit du 27 janvier, les caravaniers se sont rendus, tô le matin, au cimetière de Dagnoen où ils ont rendu hommage à Thomas Sankara. Au Burkina, le programme s’est poursuive par une conférence de presse, largement médiatisée avec la présence de neuf médias de la presse écrite, radio et télévisée.
Dans la soirée, une conférence-débat sur « les luttes des mouvements sociaux dans la construction d’alternatives au néolibéralisme », animée par les jeunes de ATTAC/CADTM Burkina et du mouvement des sans voix a été organisée à l’Atelier de Théâtre Burkinabé (ATB) où le groupe résidait. Animée par les jeunes de ATTAC/CADTM Burkina et du mouvement des sans voix du Burkina Faso, elle a réunit une centaine de personnes. Le 29 janvier, ils se sont rendus à Houndé où ils ont organisé une marche, qui a rassemblé près de 500 personnes, pour dénoncer les OGM, l’accaparement des terres et les multinationales de l’agrobusiness. L’étape du Burkina est relatée à l’adresse http://www.cadtm.org/Du-Burkina-Faso-au-Mali-la

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